The shop around the corner d’Ernst Lubitsch (1940)
Cette année les Rencontres organisent une rétrospective de films hollywoodiens réalisés par des cinéastes européens aussi fameux et talenteux que Lubitsch, Michael Curtiz, Fritz Lang ou Douglas Sirk. Car quand on parle de cinéma hollywoodien, on semble oublier que bon nombre de techniciens étaient originaires d’Europe et ont émigré vers le continent américain, en particulier avec la montée du nazisme dans les années 30.
Tourné en 1940, The shop around the corner met en scène James Stewart et Margaret Sullavan employés d’un magasin à Budapest comme il n’en existe sûrement plus dans ce bas monde. Vous savez, le genre de magasin familial où le patron, bien qu’à sa place de patron, s’inquiète de la santé des parents de sa comptable.
Alfred Kralik est le plus ancien employé du magasin et se voit obligé de supporter Klara, fraîchement embauchée et qui n’arrête pas de le contredire. Pourtant Alfred va réaliser que la femme avec qui il échange secrètement des lettres n’est autre que sa rivale.
Derrière cette histoire simple et ce portrait quotidien d’un magasin sur fond menaçant de chômage, se cache un véritable chef d’œuvre de la comédie romantique qu’aucun remake n’est parvenu à égaler. Plusieurs raisons à cela : d’abord « to be or not to be Lubitsch », telle est la question car ce cinéaste utilise l’espace avec une virtuosité légendaire. Ensuite il y a James Stewart dans un rôle qui oscille entre l’assurance et la timidité et qui fait de son personnage un homme aussi charmant qu’attachant. Enfin la peinture sociale en arrière plan pourrait inspirer bien des films ayant pour thème la crise, comme ce film dans lequel nous jouons tous en ce moment. Enfin encore, la magnifique scène finale que nous ne dévoilerons pas ici, mais qui reste un sommet du genre. Et dire que ma fille a préféré rester au chaud à la maison plutôt que de me suivre…
Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian (2011)
Tout commence comme un bon vieux cru de Guédiguian : un port de pêche, une usine, une réunion de syndicalistes et quelques malheureux tirés au sort pour être licenciés. Mais malgré ce contexte économique, ce qui prédomine c’est l’amour. L’amour et l’amitié. Michel et Marie-Claire fêtent leur trente ans de vie commune auprès de tous leurs amis et se voient offrir un voyage. On se croirait presque dans un film de Cassavetes tant on est heureux de retrouver la clique (Gérard Meylan, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin) et de sentir tous ces beaux moments d’amour entre les personnages. Pourtant tout va voler en morceaux quand Michel et Marie-Claire se font ligoter et dérober l’argent de leur voyage. Bientôt Michel découvre et dénonce l’un des coupables qui n’est autre qu’un ancien collègue lui aussi licencié, élevant seul ses deux petits frères. Le film interroge alors sur la responsabilité des uns et la culpabilité des autres, remet en question des personnages à priori irréprochables pour finalement ne laisser prédominer que l’essentiel : la bonté, la vraie, pas celle pétrie de bons sentiments, non, celle choisie parce qu’instinctive. L’un des meilleurs Guédiguian.