Rencontre avec Benoit Jacquot aux Rencontres des cinémas d’Europe
Benoit Jacquot s’est frayé un chemin parmi les nombreuses personnes venues assister à la rencontre qui suivait la projection de Villa Amalia samedi dernier. Il est apparu comme en 2006 à Lussas où une rétropective lui était consacrée : un homme au franc-parler, cultivé et drôle, insatiable et insolent . Mais Benoit Jacquot est aussi un séducteur, un vrai, au teint buriné comme les marins. Et pendant une heure, nous, on a nagé dans ses eaux troubles.
Jean-Jacques Bernard qui animait la rencontre l’a compris et a vite donné le ton : celui des films de Jacquot, qui touche à l’intime, aux confidences et évidemment à ses rapports aux acteurs. Le débat démarre sur le rapport de Jacquot à l’Ardèche où il a tourné son dernier film et ce dernier d’avouer qu’il y a trouvé ce qu’il n’aurait pas trouvé ailleurs, « des lieux jamais à plat où il faut soit monter soit descendre ». Bernard enchaîne directement sur son rapport aux acteurs et en particulier aux actrices. Son cinéma est centré, construit autour de ses acteurs et Jacquot avoue sans gêne le rapport de séduction qui les lie. « Tous les acteurs sont des actrices », lâche t-il justement parce que ce rapport de séduction existe. Bernard évoque la rencontre avec Judith Godrèche qui le défiera de réaliser un film pour elle. Ce sera la Désenchantée ou comment assouvir son désir à travers celui de l’autre et réaliser enfin les films qu’il a toujours voulu faire. Mais Bernard le titille « pourquoi un seul film avec Judith et cinq films avec Isabelle Huppert ? ». Jacquot ne se démonte pas, « Isabelle est comme une sœur ». Il aime rencontrer les actrices par hasard, comme ça, ici (pourquoi pas quand on voit le nombre de femmes qui sont précipitées vers lui après le débat) ou que les grandes actrices, les vedettes viennent à lui pour lui soumettre un projet. Un homme qui aime être désiré autant que désirer l’autre. Il dit aussi combien il est exalté autant qu’angoissé de voir ces jeunes actrices mettre leur vie entre ses mains parce que c’est ça aussi le métier d’acteur, se risquer, tout donner et pour cela il avoue son admiration éperdue.
Mais s’il reconnait volontiers la relation ambiguë qui le lie à ses comédiens, il affirme en revanche détester les mettre mal à l’aise. C’est pour cela notamment qu’il choisit ses personnages secondaires en accord avec ses « vedettes », pour ne pas les froisser. Là, Jacquot se lâche et dévoile des anecdotes de stars, raconte combien la présence d’Isabelle Huppert entre Lucchini et Lindon a pu jeter un trouble, combien Lindon sort de lui pour rentrer dans son rôle et comment la même Huppert aime contrôler la lumière sur elle.
Et la place de la caméra dans tout ça ? Ah oui revenons un peu aux films et à leur fabrication. « Tout dépend de moi, de mon engagement, rien n’est arbitraire », répond le réalisateur. On en revient à cette fameuse intimité, à la juste distance, celle de ses films, aussi vulnérable qu’hypnotique. Il évoque également son rapport à d’autres actrices, comme Isild le Besco avec qui il tournera quatre fois dans un rapport qu’il qualifie de « tauromachique ». Mais quand je l’interroge par la suite sur la raison de la fin de leur collaboration, je ne récolte qu’un silence éloquent et qui me glace encore.
Décidément Monsieur Jacquot vous savez troubler les femmes….