Le film démarre sur un gros plan, un visage endormi. Tout a l’air paisible et pourtant la tension monte. Peut être à cause de la place de la caméra, trop près pour que cela soit anodin. Puis des plans de pas rapides dans la rue. Jacques Audiard choisit son angle de vue et nous l’impose avec une évidence qui nous bouscule et nous tient en haleine jusqu’à la fin.
Ali quitte la Belgique avec son fils Sam pour se rendre à Antibes chez sa sœur. Il n’a rien, pas de travail, pas d’argent, juste son corps athlétique à offrir pour des postes de vigile. Il commence à travailler dans une boite nuit et y rencontre Stéphanie, dresseuse d’orques au Marineland.
Un soir Stéphanie l’appelle mais ce n’est plus la même. Victime d’un « accident du travail » elle a perdu ses deux jambes et se retrouve cloitrée dans son nouvel appartement en fauteuil roulant.
Ils se retrouvent, s’apprivoisent, se parlent peu et très vite parce qu’elle a « peur d’oublier comment c’est », font l’amour, comme ça par amitié, par désir, par plaisir tout simplement.
Ali s’embarque dans des combats pour gagner du fric plus « facilement ». Il est prêt à risquer sa vie et abimer son corps pour quelques centaines d’euros. Stéphanie le suit, l’observe à travers la fenêtre du camion, et elle dont le corps est déjà mutilé, se prend au jeu jusqu’à remplacer celui qui prend les paris. Elle est désormais debout sur ses jambes de « Robocop » et lutte comme Ali pour continuer à vivre, juste ça, vivre.
De rouille et d’os est un film sur les corps, des corps qui implosent pour mieux renaitre, des corps qui fusionnent. C’est un film sans artifice, brut, animal, un film sur le désir retrouvé et libéré de toute forme de séduction. Stéphanie ne cherche plus à plaire mais à se réapproprier son corps avec des séances de rééducation amoureuse belles et intenses. Et pourquoi pas, réapprendre à aimer.
La grandeur du film tient autant à sa mise en scène inventive et maitrisée, qu’à ses deux acteurs formidables : Marion Cotillard dans son plus rôle, est d’une beauté renversante sans maquillage et en jogging, et Matthias Schoenaerts qu’on avait pu découvrir dans Bullhead, confirme à nouveau son talent balèze.