A la tombée de la nuit, un homme aux cheveux blancs pousse sa petite fille sur une balançoire. Sa voix intérieure se confie à nous, nous parle de ses regrets, de tout ce qu’il aurait aimé faire, être, de ses questionnements. Il parle comme il pense et ses mots deviennent universels en ce sens qu’ils suivent le fil d’une pensée en construction. Il s’interroge sur ses films, sur l’acte filmique. Il fait des films pour raconter ce processus, cette voix intérieure. A moins que ce ne soit pour être un autre. « Si je suis un autre, alors je mens. Et si je mens, je souffre ».
Philippe Grandrieux dresse un portrait de Masao Hadachi, cinéaste japonais surréaliste trotskyste ayant milité à travers son œuvre pour son pays, pour la Palestine ou le Liban . Mais au-delà du portrait, Grandrieux revisite les interrogations du cinéaste pour se les approprier dans son propre geste filmique. Pour ne jamais séparer les idées des sensations, pour relier les paysages intérieurs au relief extérieur. Il alterne les gros plans, les flous, la surexpostion comme symboles d’un abandon. Il ne s’agit pas de comprendre (d’ailleurs nous comprenons-nous nous-mêmes ?) mais plus de ressentir, de percevoir l’humain derrière le cinéaste, et d’entrevoir la beauté contenue dans les gestes quotidiens, les repas, les cerisiers en fleurs. L’image ondule, caresse, s’assombrit et redevient lumière. L’image devient la vie.
Hadachi dit qu’il n’y a pas de cinéma sans le mariage des idées et des sensations. Il évoque le manifeste du surréalisme, ce courant qui lui a permis de s’exprimer au départ, évoque le Journal d’un voleur de Genet qu’il lisait à haute voix et termine par cette phrase de Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde ».
on ne fait jamais assez attention à la beauté dans les gestes du quotidien… Très touchant, très touché.
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