Vincent aime l’eau. Il passe son temps dedans, dans les lacs du Verdon, dans les lavoirs, dans les eaux stagnantes d’un bassin, sous la pluie ou dans des piscines. Il s’y sent encore mieux qu’un poisson dans l’eau car derrière son allure filiforme se cache un homme doté de super pouvoirs. Au contact de l’eau sa force est décuplée, il se met à nager à une vitesse prodigieuse, à casser des murs, à tordre des pièces et briser des menottes. Quand j’avais cinq ans, moi aussi je m’imaginais avoir des super pouvoirs, en tout cas un qui me faisait rêver et qui était celui de voler. On sent chez Thomas Salvador l’enfant en lui qui s’est imaginé toute sorte de rêves et de pouvoirs étranges, sans autre ambition que celle d’un conditionnel enchanteur et amusant. Car nulle vélleité de sauver le monde ou de parader devant les autres. Au contraire, Vincent ne parle à personne de ce super pouvoir absurde, si ce n’est à la femme qu’il vient de rencontrer (lumineuse Vimala Pons), et semble même s’en moquer. On assiste d’ailleurs à une scène formidablement drôle à la moitié du film où il feint, lui et son corps de danseur agile, de se métamorphoser après s’être renversé un verre d’eau sur la main. On se dit alors que le film bascule et devient d’un coup génialement burlesque. La découverte par Lucie de son pouvoir donne lieu aux meilleures scènes où elle observe interloquée son super héros d’homme. Mais cela retombe vite. De Vincent, on ne connait rien, ni d’où il vient, ni d’où lui vient ce pouvoir. En soi ce n’est pas grave mais on finit par se détacher des personnages comme de l’histoire. D’ailleurs les personnages ne se parlent quasiment pas et si cela fonctionne très bien dans les scènes avec son amoureuse, si leur plus grande caresse du monde est belle, le reste est franchement ennuyeux. On passe de plans dans l’eau (certes variés car on a le droit à un inventaire de tous les points d’eau, des ruisseaux aux océans en passant par les mares et les baignoires) à des plans de son quotidien, Vincent sur un chantier, Vincent à une soirée, Vincent boit une bière, Vincent avec Lucie, puis à nouveau un séjour dans l’eau avant la course poursuite où le degré de tension est à peu près aussi bas que ma pression artérielle aujourd’hui. Certes ce n’est pas le sujet et le film se veut un contre pied aux films de genre de super héros. Mais alors quoi ? Où nous emmène-t-il ? On aimerait adhérer à l’univers poetico-burlesque de Salvador, s’attacher à son personnage lunaire et à ce premier film inclassable. En vain. On finit par ressentir autant de désinvolture qu’il semble en avoir lui-même.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser pendant le film à un des grands films de 2013 avec beaucoup d’eau aussi, L’inconnu du lac. Et de me dire qu’il manquait vraiment quelque chose dans Vincent n’a pas d’écailles : de la vie et donc du cinéma.