Guillaume Nicloux réalise le double exploit de filmer un huis clos en plein désert et de réunir pour la première fois depuis Loulou le couple Huppert-Depardieu. Mythique. Mystique. Captivant.

Gérard et Isabelle se retrouvent sous la chaleur de la Vallée de la mort à la demande de leur fils Michael disparu qui dans une ultime lettre leur promet de réapparaitre une dernière fois si ces derniers acceptent sans condition cette requête absurde de rester sept jours ensemble dans la vallée en attendant son signe. Ils ne se sont pas vus depuis des années et vont se retrouver sous la chaleur écrasante d’un désert californien et se confronter à l’ancien couple qu’il formait et à leur culpabilité de parents qui ont en commun d’avoir perdu leur fils.
Au départ, un long travelling de dos sur Huppert qui se dirige vers sa chambre d’hôtel. La plupart du film est d’ailleurs filmée en travelling se resserrant toujours davantage sur les deux personnages qu’on ne quitte presque pas et alternant des plans dans l’immensité torride de la Vallée de la mort rebaptisée « Vallée de l’amour » par un Nicloux très inspiré.
Depardieu arrive enfin dégoulinant de sueur préférant rester dans sa voiture climatisée que sous le soleil et finit par sortir de sa tannière pour accompagner Isabelle dans des courtes marches. On n’assiste à rien d’autre que leur errance presque statique et moite, leurs conflits passés qui reviennent au galop, leurs blessures de parents coupables, leur complicité retrouvée d’anciens amants échaudés, leur incommunicabilité. Tout est dit quand Isabelle parle de Glenn Gould dont elle a découvert qu’il était atteint du syndrome d’Asperger au cours d’un documentaire visionné en pleine nuit. On devine leurs solitudes tristes, leurs désillusions passées, leur résignation à survivre au deuil de leur fils et à se rattacher à ce/ceux qui reste(nt), loin de la vie rêvée des personnages qu’ils interprètent (ils sont tous les deux des acteurs connus, tiens tiens).
Si les similitudes entre leurs personnages et eux demeure présente, elle ne constitue en rien un signe grossier qui soulignerait une mise en abime facile. Certes ils portent le même prénom, ont la même profession et bien sûr on pense à Guillaume, fils disparu de Depardieu mais cela ne rajoute en rien à un désir de véracité documentaire quelconque surfaite. On est captivés par ces deux monstres du cinéma face à eux mêmes, sans fard, qui ne jouent pas, qui sont, et c’est bien là toute la force du film et de sa mise en scène dépouillée. Pas un plan sans eux qui n’occupent tout l’espace, sans respiration, comme suffocant sous tous ces non dits, ces coups de gueule vains que viennent radoucir la connivence et la souffrance commune.
Arrive enfin le signe du fils suicidé, comme une tache verte caché derrière la roche rouge et dévoile un Depardieu ému, bouleversé, sans mots à l’inverse d’Huppert soudain hystérique. Loin d’un voyage métaphysique, Valley of love nous plonge davantage au coeur d’un mythe et nous rappelle simplement que tout n’est pas rationnel, nous échappe, tout comme nos émotions pour le meilleur comme pour le pire.