Un cinéaste de passage à Suwon pour présenter son film arrive un jour plus tôt et rencontre une jeune artiste peintre avec qui il va passer la journée. Un jour avec, un jour sans rejoue les prémices de cette rencontre en deux variations subtiles de tonalités et de mouvements. Hong Sang Soo nous prouve une fois encore que l’infinité des possibles est intimement liée aux petits gestes.

Dans une rencontre, on se demande toujours ce qui se serait passé si on avait répondu une phrase plutôt qu’une autre, si on avait osé attrapé sa main ou si on disait exactement ce qu’on pense. Les différences sont ici délicates et subtiles et pourtant profondes. Loin d’un Resnais dans Smoking, No smoking qui décline une histoire en plusieurs scénarii possibles, Hong Sang Soo s’intéresse davantage aux menus détails, à un trouble passager, à une remarque franche. Les personnages évoluent en fonction de l’autre, de ce qu’ils se donnent à voir. Quand dans la deuxième version, le cinéaste Ham Cheonsoo dit franchement ce qu’il pense de sa peinture à Yoon Heejeong, elle est un peu vexée mais c’est aussi cette franchise qui lui permet de lui faire confiance et de se livrer davantage, alors que dans la première version, ils restent tous deux dans un jeu de séduction où chacun veut plaire à l’autre en balayant les questions embarrassantes.
« Chacun fait ce qu’il peut dans la vie »
Dans une scène hilarante, Ham Cheonsoo complètement saoul se déshabille devant les amies de Yoon Heejeong. Il peut difficilement expliquer ce geste quand il retrouve un peu ses esprits mais avoue avec philosophie que chacun fait juste ce qu’il peut, rien de plus. Pas la peine de culpabiliser ou de vouloir revenir en arrière. L’histoire peut changer au gré de nos gestes mais c’est aussi ce hasard de nous mêmes qui nous rend terriblement humains. Hong Sang Soo a d’ailleurs un rapport au temps très déculpabilisant, ses personnages, souvent en exil ou de passage dans une autre ville, passent leur temps à flâner, rêvasser, boire, fumer et se promener.
Les variations de Hong Sang Soo ne sont plus simplement celles du langage du corps ou des personnages mais une réelle mise en abyme de l’acte créateur et de ses infinis possibles. Que choisit on de raconter, de montrer, de couper, de prolonger ? Une même histoire peut être racontée de bien des façons et cela semble être un joli pied de nez à ceux qui accusent HSS de refaire en boucle le même film.
Rien de plus faux quand on voit avec quel génie il se renouvelle à l’instar d’un Rohmer pour nous raconter un homme, une femme, une rencontre, ses balbutiements, ses rêveries, la création et plus encore. Et cela c’est sans limite, désolée pour les réfractaires au cinéma de Hong Sang Soo (découvrir à ce propos l’hilarant détournement de La chute sur le cinéma de HSS).
Personnellement je ressens un tel bien être dans son cinéma que j’espère qu’il continuera longtemps à interroger la magie de la rencontre en fumant des cigarettes et en buvant du soju.
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