Baden Baden c’est l’histoire d’une fille un peu garçonne qui s’est perdue en route. Elle sillonne, cherche son chemin et finit par prendre le cap direction Strasbourg, sa ville natale . Elle y retrouve son meilleur ami, son ex et sa grand mère pour qui elle se met en tête de transformer sa salle de bain. Baden Baden c’est l’histoire d’une fille qui soulève des montagnes (ou des baignoires), qui tangue et qui vacille, qui se laisse porter par le courant sans jamais dériver. Baden Baden c’est l’histoire d’une fille le temps d’un été.

Ana est à bord d’une grosse voiture, elle conduit pendant que murmure dans l’ombre au téléphone l’actrice assise à l’arrière qu’elle escorte sur un tournage. La caméra ne lâche pas le visage androgyne et aux traits fins de Salomé Richard (épatante). Sa coupe (« de merde » s’amusent ses amis) informe et son air débraillé lui donne un air de désinvolture qui pourrait agacer si l’on n’était pas d’emblée touché par sa jolie présence. Ana n’est pas difficile. Elle enchaine les petits boulots, s’attelle aux taches qu’on lui affecte, se fait engueuler violemment par un régisseur sans moucher et accepte de porter une robe bien trop longue et trop fleurie quand on le lui demande. Pourtant elle ne manque pas de caractère et n’est en aucun cas résignée. Elle n’hésite d’ailleurs pas une seconde à garder la voiture de location du tournage pour rejoindre Strasbourg. Ana marche à l’instinct. Elle tâtonne, hume, se lance ou se recule, elle hésite pour mieux se jeter la tête la première, elle est en cela très animale. Un animal blessé. Les mots sont pour elle peu utiles, elle va droit au but, pas de détours poétiques dignes de son ex d’artiste contemporain. Son meilleur ami Simon (Swann Arlaud qu’on adore) la comprend, traduit ses silences, ses rires. Sa grand mère (touchante Claude Gensac) aussi la comprend. Elle se jette dans les bras de Simon avec évidence, impulsion, comme si c’était normal. Quand elle revoit son ex, Boris (Olivier Chantreau et sa belle gueule de séducteur dangereux), celui-là même qu’elle a tenté d’oublier, elle hésite un peu. Pas longtemps. Puis l’embrasse avec fougue. Elle n’a pas la force de lutter contre ses envies, contre elle-même. Difficile aussi de lutter contre quelqu’un prêt à tout pour arriver à ses fins, y compris à jouer les amoureux épleurés ou à se jeter à l’eau.
Ana vit l’instant comme elle respire, casse la baignoire pour reconstruire une douche sans mode d’emploi. Même pas peur. Elle n’hésite pas non plus à embarquer un autre galérien sur son bateau pour l’aider à monter sa douche (formidable Lazare Gousseau) ou à poursuivre Amar le futur légionnaire sans attache pour avoir ses conseils de carreleur professionnel (et prendre de la force).
La caméra ressemble à son héroine, véritable « chat sauvage » indomptable mais pas craintif, elle suit les personnages dans leurs mouvements, devient subjective, discrète, chancelante ou fixe, elle suit le pouls de Ana et ne quitte les visages que pour balayer la ville de Strasbourg ou les oeuvres de Boris.
Baden Baden c’est peut être aussi un film sur le choix de ne pas se choisir complètement, sur les doutes qui nous assaillent, sur l’inéluctable temps qui passe et souvent nous dépasse, sur les contradictions qui nous habitent, sur nos fragilités qui finalement finissent par nous rendre plus forts et finalement sur l’insoutenable légèreté de l’être.
Rachel Lang nous livre un premier long métrage (elle est déjà l’auteur de plusieurs courts récompensés) juste et touchant et nous embarque dans un espace sur la tangente. Bonne nouvelle : le cinéma français a trouvé une formidable recrue qu’on ne manquera pas de suivre !
2 Replies to “BADEN BADEN, un premier film déjà grand”