BERNADETTE LAFONT – ET DIEU CRÉA LA FEMME LIBRE, de la productrice-réalisatrice Esther Hoffenberg, a été présenté en avant-première au Festival Itinérances d’Alès.
Bernadette Lafont (1938 – 2013), c’est avant tout une voix unique, un regard rieur et une liberté revendiquée en tant que femme et comédienne. Originaire du sud, Bernadette a commencé sa carrière en 1958 dans Les Mistons de François Truffaut et Le beau Serge de Claude Chabrol. Elle était alors mariée à l’acteur Gérard Blain qui ne souhaitait pas qu’elle continue dans le cinéma. Mais Bernadette, résolument libre et déterminée à être en couverture de Paris Match pour plaire à son pharmacien de père, en décide autrement. Elle enchaine les films trainant sa silhouette sensuelle et son sourire mutin qui en fit rapidement une icône de la Nouvelle Vague. A cette période, elle rencontre l’homme qui restera le grand amour de sa vie, l’artiste Diourka Medveczky, et ensemble ils auront trois enfants en trois ans. Ils partent vivre cinq ans à la campagne où elle choisit de se consacrer à sa vie de famille. Sur le conseil de Truffaut, elle revient au cinéma en écrivant directement aux réalisateurs avec qui elle souhaite travailler. En 1969, Nelly Kaplan lui offre un rôle sur mesure avec La fiancée du pirate, succès international qui la remet en selle.
Bernadette Lafont incarne à tout jamais l’image d’une femme indépendante, transgressive, libérée et « punk » à l’instar de la Marie de La maman et la putain (Jean Eustache), un de ses rôles majeurs. Son mari lui offrira pourtant son premier rôle à contre emploi dans un film méconnu, Paul, où l’intériorité de la comédienne semble surgir pour la première fois.
Pour raconter Bernadette Lafont, Esther Hoffenberg laisse la parole à l’actrice à travers des archives absolument formidables et des extraits de films. Elle s’adresse aussi directement à elle à certains moments dans une lettre imaginaire où elle lui témoigne son admiration. C’est beau et touchant, drôle aussi parfois. Et enfin tragique quand Bulle Ogier qui a perdu sa fille Pascale peu de temps avant que la fille de Bernadette, Pauline, disparaisse, évoque cette période sombre.
On découvre aussi à travers ses petites filles une femme simple, secrète qui cuisine en peignoir ou minaude sur le tapis rouge de Cannes. Dans une archive inédite, on la voit défendre avec virulence et passion le film d’Eustache face à Gilles Jacob : « En lisant le scénario, j’ai vu que c’était grand, que c’était du Bataille ».
Bernadette Lafont – Et Dieu créa la femme libre est un très beau portrait d’une actrice atypique qui a toujours préféré suivre son instinct sans concession. Le film est une belle invitation à se replonger dans sa filmographie et à découvrir des films aujourd’hui méconnus comme le pamphlet féministe Les stances à Sophie ou L’Eau à la bouche de Jacques Doniol-Valcroze. Dans une interview de l’époque, Nelly Kaplan s’insurge que l’on parle de « films de femmes » et non de films tout court. On a juste envie de dire à Esther Hoffenberg qu’elle a réalisé un très beau documentaire. Tout court.
LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA de Robert Wise
Samedi soir se tenait au Festival Itinérances d’Ales, la Nuit des visiteurs de l’espace, avec en préambule une réédition exceptionnelle du film de Robert Wise : LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA, dans une magnifique copie restaurée offerte au festival par Splendor.
l’histoire: Un OVNI atterrit dans un parc à Washington suscitant la peur et la fascination. Un homme sort du vaisseau et affirme venir en paix. Il s’appelle Klaatu. Mais un soldat à la gâchette facile atteint l’homme et le blesse. Soigné à l’hôpital, il demande à réunir tous les chefs d’état pour leur annoncer une nouvelle grave. Il refuse de parler à moins de s’adresser à tous en même temps. Les conflits entre les pays rend cette réunion extraordinaire impossible et Klaatu s’enfuit pour essayer de transmettre son message par un autre biais. Un vent de panique s’abat sur la ville qui craint les représailles de ces extra-terrestres tandis que Klaatu réfugié chez une jeune veuve et son fils déplore qu’ « on substitue la peur à la raison ».
Autant le dire tout de suite, les amateurs d’effets spéciaux risquent d’être déçus. L’originalité du film de Robert Wise (réalisateur de The set up et West side story pour ne citer que ces titres) ne réside pas dans sa virtuosité technique mais dans sa volonté de créer le premier film pacifiste de science fiction. Le robot Gort qui obéit aux ordres pour lesquels il a été programmé, ne cherche pas à nuire mais simplement à rétorquer devant l’adversité. Les terriens sont décrits par Robert Wise comme étant tellement obsédés par leurs conflits d’intérêt qu’ils en oublient leurs voisins lointains. Tel un messie, Klaatu cherche à leur ouvrir les yeux et leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls dans l’univers. Aucune menace terrienne ne saurait être tolérée.
Le récit de LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA, somme toute très simple, offre néanmoins des dialogues croustillants et dénonce les travers belliqueux des hommes avec beaucoup d’humour, ridiculisant leur protocole et leur agitation face à ce vaisseau envahisseur. La mise en scène est impeccable et efficace alternant des cadres serrés et des plus larges pour les mouvements de foule. Le final haletant vient conclure ce film avec le brio des grands films noirs sur une partition de l’inimitable Bernard Hermann. Un film à redécouvrir tant pour sa mise en scène que pour son message pacifiste.
La soirée s’est prolongée par un cinemix mêlant des images de films SF complètement vintage sur le son des TwinSelecter, et le très actuel film de John Carpenter, Invasion Los Angeles.
Les fans ont également pu redécouvrir Predator de John McTiernan, et Iron sky de Timo Vuorensola.