Nous découvrions hier à Itinérances, les neuf courts métrages en compétition, ainsi que les réalisateurs pour la remise des prix. Parions que le choix n’a pas été facile tant la sélection était qualitative et variée.
Le Grand prix du jury composé de Chad Chenouga, Marianne Denicourt, Esther Hoffeberg, Raphaël Lemonnier et Laurent Scheid a été attibué à Féfé Limbé de Julien Silloray. Le film, qui raconte le premier chagrin d’amour d’un homme de 65 ans, avait déjà remporté le Prix de Court au Festival de Clermont-Ferrand. Prix mérité pour ce court métrage tout en délicatesse qui traduit formidablement lé désarroi lié à la perte de l’être aimé.
Le Prix Spécial du Jury a été décerné à Panthéon Discount de Stéphan Castang, film d’anticipation avec Jean-Pierre Kalfon, également couronné par le Prix du public. Le film situé en 2049 met en scène trois personnages face caméra qui attendent le verdict de Docteur Chabane. Celui-ci accède à toutes leurs informations, dévoilées en transparence. Le verdict peut tomber. Un film tétanisant sur la déshumanisation d’une société qui contrôle nos informations jusqu’à effacer notre existence ou nos souvenirs et où nos choix sont limités à nos moyens. Utopie ou réalité proche ?

© Takami Productions – Canal+
Le très beau court métrage La République des enchanteurs de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh a reçu le Prix de la musique originale pour Nathan Blais. La République des enchanteurs c’est Ghislaine, Salomon ou Kamel qui incarnent trois visages de Nantes. L’une danse sur le toit tandis que l’autre se prépare pour retrouver la femme qu’il aime. Entre fiction et documentaire, le film offre un regard poétique sur des morceaux de vie qui ré-enchantent la cité. Notre coup de cœur !

© De L’Autre Côté du Périph’
Le Prix Bernadette Lafont pour la meilleure comédienne a quant à lui été décerné à Leanna Chea pour Minh Tâm de Vincent Maury tandis que En Cordée de Matthieu Vigneau a reçu une Mention spéciale.
Enfin Le Prix des Lycéens est allé au film de Christophe Bourdon, Le Zombie au Vélo.
TADMOR de Monika Borgmann et Lokman Slim
Parmi les avant-premières du Festival Cinéma d’Alès Itinérances, on a pu découvrir TADMOR, un documentaire inédit sur les prisons syriennes, évoquant l’enfer carcéral d’anciens détenus libanais.
Après Massaker, un premier film sur Sabra et Shatila en 2004, les réalisateurs Monika Borgmann et Lokman Slim et leur équipe ont investi une ancienne école où ils ont reconstitué la prison de Tadmor (autrement appelé Palmyre), l’unes des plus dures de Syrie. Sept anciens prisonniers témoignent et racontent leurs années de détention (allant jusqu’à 14 années pour certains) pendant lesquelles ils ont été torturés et humiliés avec une cruauté inouïe. Face caméra au centre d’une pièce vide, ils évoquent certains de leurs sévices et les rituels sadiques quotidiens qui rythmaient leurs journées, la couverture trempée avec lesquels ils devaient se recouvrir après une douche bouillante, les cafards que les geôliers leur forçaient à avaler, les coups incessants. Et quand il n’y a plus de mots, ils miment les gestes et paroles de leurs tortionnaires jouant tour à tour les victimes et leurs bourreaux. Dans l’une des scènes, l’un d’entre eux devient fou et se met à hurler. On oublie alors un instant qu’il s’agit d’une reconstitution et l’on est sidéré devant ce visage au regard hagard.

Le procédé, certes risqué, fonctionne parfaitement même si parfois il dérange plus que ne bouscule. On ne peut s’empêcher de se demander comment ils sont parvenus à revivre l’insoutenable pour témoigner. Mais si l’on comprend bien l’intérêt cathartique d’un tel procédé, on se sent assez vite mis à l’écart de cet exercice qu’on ose croire thérapeutique. Certains plans sont néanmoins très forts comme ceux des visages de ces hommes contraints au silence, ou ceux où on les voit arracher des minuscules bouts de fil pour tenter de se fabriquer des cache-yeux pour dormir. Ils rejouent avec une telle vérité leur enfer qu’on a parfois l’impression d’être face à une performance d’acteurs. Et c’est peut être ça qui dérange. Là où l’on imaginerait ressentir toute l’horreur derrière leurs souvenirs racontés et « joués », on finit par devenir des témoins tenus à distance d’un récit qui ne semble plus s’adresser à nous. Dans S21 la machine de mort Khmère rouge, quand Rithy Pahn demandait aux gardiens de prisons de refaire les gestes qu’on leur imposait, notre imaginaire faisait le reste et on arrivait presque à voir les fantômes des prisonniers disparus. Et c’était extrêmement troublant et émouvant.
TADMOR reste malgré tout un film fort, nécessaire, et représente un véritable travail de mémoire autour de cet épisode syrien. C’est aussi un éloge à la force de vie que l’Homme est capable de déployer pour survivre à des conditions inimaginables. Le film a trouvé un distributeur récemment et devrait sortir sur les écrans français prochainement.