LA PROMESSE DE L’AUBE ou le fabuleux destin de Romain Gary

L’adaptation attendue du chef d’oeuvre de Romain Gary par Eric Barbier était en avant-première au Arras Film Festival. Le fabuleux destin de Romain Gary méritait un film à la hauteur. A défaut d’être une adaptation réussie, La promesse de l’aube est en tout cas à la hauteur du romanesque de la destinée de l’écrivain aux mille vies.

Wilno Pologne dans les années 20. Roman Kacew est élevé par sa mère Mina qui se démène à gagner sa vie en confectionnant des chapeaux. Mais face au manque d’argent, elle se fait passer pour une amie d’un grand couturier parisien pour attirer dans son atelier la bourgeoisie locale. Mina ne renonce jamais devant l’adversité et dire qu’elle nourrit les plus grands espoirs pour son fils est en soi un euphémisme tant toute sa vie tourne autour des projets qu’elle lui prédit. Elle le voit tour à tour diplomate, écrivain célèbre, aviateur, chevalier de la légion d’honneur. « Je veux que tu sois célèbre de ton vivant ». Il accomplira chacun des rêves de Mina pour ne jamais décevoir cette mère si aimante mais aussi si étouffante.

Tous deux quittent la Pologne pour aller s’installer en France, à Nice. Mina vénère la France et est persuadée que son fils pourra s’y réaliser davantage. A Nice, la vie est douce. Mina a trouvé sa place et vient de reprendre une pension tandis que Romain découvre les plaisirs de la chair et se met sérieusement à l’écriture. Mina l’envoie à Paris finir ses études mais quand la guerre éclate, Romain est envoyé dans l’aviation et sera le seul à ne pas être nommé sous-officier à cause de sa naturalisation trop récente. Là encore, Romain embellit l’histoire lorsqu’il revient à Nice rendre visite à sa mère afin de ne pas la décevoir. A Paris il a réussi à publier quelques nouvelles dans un journal et s’attelle à son premier roman alors qu’il est en Afrique et vient de contracter le Typhus. « Tu n’as pas le droit de mourir tu entends ! » lui ordonne la voix imaginaire de sa mère. Il achève son roman Education européenne et ignore que sa mère n’est déjà plus de ce monde.

C’est indéniable, la vie de Gary est un roman en soi et l’on comprend aisément l’envie de Barbier d’adapter à l’écran ce parcours hors du commun. La tentative fut d’ailleurs déjà entreprise par Jules Dassin en 1971. Barbier n’échappe pas non plus à la tentation de plonger à fond dans le genre biopic reconstitué. Mais avoue-le, passées les premières minutes devant un Niney qui nous laisse un peu perplexes, ça fonctionne ! On est complètement embarqué dans le récit fort bien servi par le casting. Mais c’est surtout Charlotte Gainsbourg sur qui repose la réussite du film. On n’imagine en effet pas de meilleure Mina tant elle est juste dans ce rôle de mère juive, lui conférant à la fois un amour inconditionnel et une force de caractère impressionnante. Son accoutrement (reconstitution oblige), son maquillage pour simuler les différents âges, comme son léger accent slave et sa voix soudain plus rauque aurait pu facilement être ridicules et forcés. Il n’en est rien. Charlotte l’effrontée devient cette femme et arrive à convaincre complètement en mère qui dessine le destin extraordinaire de son fils. Toute l’ambiguïté de cet amour fusionnel est traduit par l’incarnation de l’actrice. Quant à Pierre Niney, dont le jeu peut en agacer certains (dont je fais partie), il campe un Gary tout en nuances, passant de la colère à la fragilité, et s’en sort plutôt bien.

Eric Barbier s’appuie sur tous les ressorts dramatiques de la vie de Gary et n’échappe pas à l’appel de mettre en scène tous les moments clés qui font le sel des grandes fresques romanesques : des scènes d’aviation au duel de Gary en Angleterre, en passant par la séquence où il sauve une vieille femme perdue en plein désert lors de son séjour en Afrique, ou encore les scènes de son enfance où sa mère lui ordonne de toujours se battre pour la défendre son honneur « quitte à en mourir ». Et bien sûr la scène où Gary échappe à un accident d’avion en allant répondre à un appel de sa mère alors qu’il est sur le départ pour rejoindre De Gaulle en Angleterre. Tout est là pour mettre l’accent sur son fabuleux destin et sur les trois piliers de son éducation : honneur, amour, patrie.

Alors forcément Barbier en fait parfois un peu des tonnes pour servir le mélo et sa mise en scène est bien trop appuyée. Quand Barbier par exemple veut passer de Gary adolescent à Gary adulte, il nous fait passer devant le portrait de Victor Hugo (« tu seras Victor Hugo mon fils ! ») sur lequel il superpose le visage de Pierre Niney avant de replacer sa caméra sur la table de travail et de l’y retrouver. Beaucoup de mouvements parfois pour pas grand chose mais la recette opère et c’est déjà pas mal.

Au final, La promesse de l’aube tient sa promesse et rend hommage au destin de Gary peut être plus qu’au livre. Le film sort à Noël (tiens donc !). On aurait tort de s’en priver.

Date de sortie : 20 décembre 2017
Durée : 2h10

 

 

 

 

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