L’INSOUMIS, un documentaire un peu trop soumis

La campagne du candidat de la France insoumise filmée au plus près par Gilles Perret, le réalisateur de Ma mondialisation et La sociale. Un documentaire insoumis ?

Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on ne peut enlever à Jean-Luc Mélenchon son talent de tribun, son érudition, son franc-parler et sa force de caractère. L’insoumis promettait donc une plongée au coeur de la campagne présidentielle d’un candidat passionnant, intrigant et que finalement on connait peu. Promesse échouée et on regrette de n’apprendre pas grand chose sur « l’homme » Mélenchon. L’une de ses conditions était de ne jamais aborder sa vie privée (ce que l’on conçoit aisément) mais Gilles Perret aurait pu dévoiler à travers ce film de campagne des éléments clés pour comprendre le parcours de cet homme politique. En vain.

Le film démarre sur le fameux rassemblement à Lyon et Paris où Mélenchon s’est dédoublé grâce à l’utilisation d’un hologramme qui lui a valu pas mal de railleries. Tout est prétexte à moquer le candidat du front de gauche qui a bien compris que la presse ne le soutiendrait jamais et contre laquelle il se positionne avec virulence. Or lorsque l’on touche au saint organe de la presse, le retour de bâton n’est pas tendre. Qui de la poule ou de l’oeuf a démarré cette relation d’incompréhension ? Mélenchon est un émotif, il l’avoue lui-même, il s’en veut de perdre son sang froid devant un cheminot (bourré) qui lui reproche de ne pas les respecter. Le ton monte, Mélenchon s’énerve et trouve injuste la réaction de l’homme, lui qui « use sa vie » à les défendre.

Si Gilles Perret a gagné la confiance de Mélenchon qui lui ouvre ses portes à un moment pourtant crucial, c’est aussi que le candidat a compris mieux que personne comment communiquer. Mélenchon est le candidat le plus tourné vers les nouveaux moyens de communication: sa chaine youtube, son blog, l’usage de nouvelles technologies. Puisque les medias traditionnels le desservent, il contourne le problème en s’adressant directement au peuple.

Le problème c’est que Mélenchon a un tel charisme, une telle aura, qu’il semble avoir envoûté Gilles Perret, qui filme un Mélenchon érigé par des plans en plongée presque systématiques. Ce choix questionne : à qui s’adresse-t-il donc ? L’absence de distance de Perret semble répondre à la question. Les colères de Jean-Luc Mélenchon comme son combat sont sincères et l’on déplore que le film ne raconte jamais la genèse de ses positions, de ses batailles, de son parcours politique du parti socialiste jusqu’au Front de gauche. Bien sûr on est en pleine campagne et Mélenchon a sûrement autre chose à faire que de se confier à la caméra, le sujet étant cette campagne et non de dresser un portrait de l’homme, mais lorsque Depardon filme Giscard d’Estaing dans 1974, une partie de campagne, il dépasse le factuel et s’appuie sur le quotidien de sa campagne pour raconter en filigrane quel homme se cache derrière celui sur le point de remporter l’élection présidentielle – le film fut d’ailleurs censuré par Valéry Giscard d’Estaing jusqu’en 2002. Mais Gilles Perret n’est pas Raymond Depardon.

De quoi parle L’insoumis au final ? D’un élan du peuple derrière un mouvement rassembleur autour de valeurs humanistes et équitables, d’une équipe soudée autour de leur candidat dont la personnalité est pour beaucoup dans la montée fulgurante du Front de gauche. Mélenchon c’est le « patron ». Il aime tout contrôler jusqu’à la veste qu’il doit porter et s’il écoute sa conseillère en communication Sophia Chikirou, il n’en demeure pas moins obstiné. Rien de bien neuf donc qui vaille le détour.

L’insoumis souffre déjà des premiers signes de la censure à Marseille dans le cinéma Les variétés. Un moyen de faire parler de lui ou au contraire de le stigmatiser davantage ? A mon sens et à en croire la discussion enflammée entre journalistes à la sortie de la projection presse, ceux qui le détestent ne le détesteront que davantage et ceux qui l’aiment ne verront rien de plus que cet élan qui les a portés jusqu’au soir de la présidentielle. Une petite leçon néanmoins à tous ceux qui le voient comme un mauvais perdant, il faut l’entendre dire, lui qui croit dur comme fer en la victoire du peuple, qu’en cas de défaite « on aura bien travaillé et puis voilà ».

L’insoumis paraitra au mieux un reportage réalisé par l’un des leurs et au pire un pamphlet propagandiste. Personnellement je trouve que c’est un film sans grand intérêt pour un homme pourtant captivant et qui aurait mérité un documentaire à sa hauteur.

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