Vous aussi vous êtes en thérapie ces dernières semaines ? Vous aussi, vous vous passionnez pour cette série d’Arte adaptée d’une série israélienne, déjà adaptée aux Etats Unis sous le titre In treatment ? Parce que moi, je l’ai dévorée mais ce n’est pas tant de la série dont je veux parler que de ce qu’elle vient faire résonner en nous en ces temps de crise sanitaire.

A l’heure de la positive attitude, de la bien pensance, des videos de chatons et des milliers de likes condescendants, cela fait du bien d’aller un peu plus en profondeur dans les affres de notre âme, bien plus complexe que ce que les réseaux sociaux dépeignent. Le monde n’est ni blanc ni noir, et pourtant c’est bien ce qu’on essaye de nous faire croire avec cette manie de tout simplifier. On se croirait dans un Disney. D’un côté les gentils, de l’autre les méchants. Mais à l’inverse d’un Disney ce sont souvent les méchants qui gagnent. La preuve, il n’y a qu’à regarder du côté des gens qui nous gouvernent, des puissants rarement inquiétés par la justice, des ministres agresseurs sexuels qui restent en place, des entreprises qui contribuent très largement à la pollution, la déforestation et la pauvreté croissante, pour s’en convaincre. On crie aux inégalités, à l’injustice, à la catastrophe climatique, aux violences faites aux femmes, mais les choses changent malgré tout trop lentement. Pourquoi ? Parce que depuis que le monde est monde, il est très difficile de changer les mentalités, le mal semble faire partie intégrante de notre société et les gens ont fini par l’accepter. C’est pourquoi entrer en soi, sonder notre être n’est finalement pas une mauvaise réponse en ces temps confinatoires. Partir de l’intime, de notre être au monde, pour comprendre ce qui nous relie. A défaut de sauver le monde, on peut tenter de sauver son monde. La route est longue (comme une thérapie) mais sans remise en question de notre culture patriarcale, sexiste, sans interroger notre rapport aux animaux, sans tenter d’inverser le déclin occidental en marche, c’est contre nous-mêmes qu’on agit. Résister peut prendre bien des formes. Celle d’un roman graphique, d’un essai, d’une musique, d’une danse, d’une conversation. L’essentiel est de ne pas courber l’échine et ne pas se résigner.

Certes, il reste du boulot avant que la culture du mâle alpha disparaisse, que les femmes arrêtent de croire au prince charmant et que la violence devienne stérile au lieu de se reproduire comme des lapins. L’éducation, la prise de conscience, les révolutions relèvent d’un long process qui avance doucement mais sûrement.
Tiens, en parlant de lapins, cet extrait des très belles chroniques de Nancy Huston (Je suis parce que nous sommes) écrites en plein premier confinement rappelle combien les humains sont les seuls animaux à être capables d’autant de cruauté et que cette pandémie devrait avoir de quoi nous faire réfléchir. Avouons-le, ce n’est pas gagné à en croire les vidéos d’animaux choupinou qui circulent alors qu’on continue de manger de la viande torturée en fermant les yeux… Mais là encore, s’interroger sur nos convictions et nos (in)cohérences peut être salvateur.

Au final, en se remettant en question, c’est aussi notre place au monde qu’on interroge. On fait sa part de colibri, on éteint le feu à notre échelle et c’est déjà pas mal.