RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE #6

A tout de suite de Benoit Jacquot (2004)

Tiré d’une histoire vraie, le film (Prix Un certain regard, Cannes 2004) raconte l’histoire d’une jeune femme libre. Libre de son corps, de ses choix. Elle sort avec des hommes sans grande conviction si ce n’est celle du plaisir mais quand son regard croise celui de ce bel éphèbe (dont on ne connaîtra jamais le prénom), elle tombe immédiatement amoureuse. A la vie, à la mort. Elle n’hésite pas à le cacher, lui et son complice (Nicolas Duvauchelle), après qu’ils viennent de braquer une banque et tuer un homme. Ensemble ils s’enfuient en Espagne puis au Maroc avec de faux passeports et des billets plein le pantalon. Tourné en numérique et en noir et blanc, le film ressemble davantage au voyage intérieur de l’héroïne qu’à un film de cavale. Et c’est là qu’on retrouve Benoît Jacquot, dans sa façon unique de se concentrer autour d’un personnage et de nous livrer l’intime et l’indicible, l’essence et l’invisible. Isild le Besco, sauvage et lumineuse, bouscule, émeut, trouble, et habite chaque plan avec une évidence presque dérangeante tant elle semble atemporelle et ne laisser place qu’à l’urgence de vivre.

Benoit Jacquot ou l’insolence amoureuse

De retour en Ardèche après le tournage de son dernier film, Au fond des bois, et un passage au Festival de Lussas en 2006, Benoît Jacquot est à l’honneur de ces 13èmes Rencontres autour de six de ses films. Né en 1947, ce cinéaste aussi prolifique que libre sera à 22h15 au Bistrot des Rencontres après la projection de Villa Amalia.

Rebelle de première heure, déterminé et bagarreur, Benoît Jacquot a toujours su ce qu’il voulait faire. Et ce n’est pas le milieu bourgeois dont il est issu qui aurait pu l’en dissuader. A 17 ans il devient assistant, de Marguerite Duras, à qui il consacrera deux très beaux films (Ecrire et La mort du jeune aviateur anglais), mais aussi de Marcel Carné, Philippe Garrel, Roger Vadim. Il démarre sa carrière par des documentaires, des captures de pièces de théâtre et des premiers films (L’assassin musicien, Les mendiants) qui vont s’avérer des échecs. A cette période, Jacquot se croit dans une impasse mais son amie Marguerite Duras va l’inciter à réécrire et c’est avec la rencontre de Judith Godrèche pour laquelle il écrit La désenchantée que le cinéaste sort enfin de l’ombre et renaît au septième art. Il découvre la place essentielle qu’occupent les acteurs dans ses films et contrairement à Bresson à qui on le compare souvent, Jacquot continuera toujours de bâtir ses films autour de ses acteurs. La mise en scène naît du désir, de la rencontre et de l’être filmé. Ses personnages, souvent en rupture sont en quête d’un absolu, errent, se heurtent parfois mais toujours avancent les deux pieds dans la vie.

Il enchaîne avec d’autres succès : La fille seule avec Virginie Ledoyen, Le septième ciel avec le duo Lindon-Kiberlain, L’école de la chair avec Isabelle Huppert (avec qui il tournera à plusieurs reprises). De grandes actrices comme Deneuve et Adjani l’approchent pour travailler avec lui. Il réalisera avec cette dernière Adolphe en 2002, magnifique adaptation du roman éponyme de Benjamin Constant. Avec Deneuve il tournera Princesse Marie puis en 2001 il adaptera un opéra, Tosca. L’année précédente c’est à Isild le Besco qu’il offre un premier grand rôle dans Sade auprès de Daniel Auteuil. Il lui confiera par la suite le rôle principal dans A tout de suite, L’intouchable et Au fond des bois.

Jacquot est un acharné du travail, on ne compte plus ses films qu’il réalise à raison d’un par an en moyenne. Il continuera par ailleurs à filmer des pièces de théâtre et leurs coulisses (notamment Place royale avec sa compagne du moment et mère de son fils Vladimir, Anne Consigny, et les spectacles de Fabrice Lucchini avec qui il tourne dans Pas de scandale).

Le cinéma de Benoît Jacquot est un cinéma sensuel, sensoriel, réel et métaphysique, instinctif et obsessionnel, avec une mise en scène souvent audacieuse. Filmer pour lui, c’est une façon de se raccrocher au monde. Il avoue d’ailleurs « Si je ne filme pas, je suis un chômeur de l’être ». Alors on vous le demande, Monsieur Jacquot, continuez longtemps de travailler, pour vous comme pour nous.

RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE #J4 #J5

Bon plus la semaine avance, moins j’ai le temps d’aller faire un tour sur mon blog et de vous raconter ce qu’il se passe par chez nous. Mercredi c’était la journée enfants donc je n’ai vu que des films d’animations tchèques certes imaginatifs mais ennuyeux. Je passe mon tour sur cette journée donc.

Jeudi j’ai découvert enfin le film de Barbet Schroeder, La vierge des tueurs : à part le fait qu’il ne donne pas très envie d’aller passer ses vacances là-bas, le film est très réussi.
Fernando, écrivain homosuel désabusé revient dans sa ville natale de Medellin après 30 ans d’absence et y rencontre un jeune homme avec qui il se lie. Le jeune garçon ne quitte pas son berreta et fait depuis toujours partie d’un gang. La violence et les crimes ne l’effraient pas et autour de lui les balles pleuvent comme les mots dans la bouche de Fernando. Il tue comme il respire sans culpabilité aucune. Tout les oppose et pourtant les deux hommes vivent une relation forte qui fait oublier à l’un sa désinvolture et à l’autre l’univers de la rue. Mais la guerre des gangs les rattrape et Alexis tue ses prédateurs en deux roues à la chaîne. Fernando essaye en vain d’offrir à son jeune amant une alternative à cette violence. Tous deux écument les églises comme d’autres les bars, ce qui donne lieu à des répliques aussi désabusées qu’hilarantes. Et lors d’une scène de tuerie, alors qu’un cadavre s’explose sur le toit d’une voiture, une femme enceinte découvrant le cadavre se met à hurler. Fernando, impassible s’approche d’elle et lui demande ce qui l’effraye autant puis ajoute « mais on n’est pas en Suisse ici, on est en Colombie, il y a des morts tous les jours ». Si le film peint un pays corrompu à la violence impitoyable et laissant peu de place à l’espoir, il n’en demeure pas moins un film à l’humour grinçant qui pose un regard tendre sur la Colombie, pays où Barbet Schroeder a passé son enfance.

Le soir, le dernier film d’Aki Kaurismaki était présenté en avant première, Le Havre. L’histoire mise en scène avec tous les ingrédients kaurismakiens filmé dans des décors rétro ressemble à un conte. Un conte naïf, absurde mais aussi social si l’on en croit l’histoire de ce Marcel Marx venant à la rescousse d’une jeune garçon clandestin, contraint de se cacher pour échapper aux forces de l’ordre. Et pourtant le film ne décolle pas, finit même par ennuyer tout comme le jeu des acteurs au ton monocorde. A moins que ce soit moi qui ne crois plus trop aux contes de noël….

MAN HUNT DE FRITZ LANG

Man hunt de Fritz Lang (1941)

Le chasseur anglais Thorndike en vacances en Bavière est capturé alors qu’il vise de son fusil le fürher en personne, Adolphe Hitler. Laissé pour mort, il parvient à s’échapper et rentrer en Angleterre. Mais la traque est loin d’être finie et aidé d’une jeune femme (Joan Bennett), il va tenter à nouveau de leur échapper donnant lieu à une scène de poursuite dans le métro mémorable.
Man Hunt est le premier film de Fritz Lang s’attaquant avec virulence au nazisme, nazisme que le réalisateur a fui dès un soir de 1933 juste après s’être vu offert une collaboration avec le parti par Joseph Goebbels. Après un passage en France, c’est à Hollywood qu’il réalise ce thriller Le chasseur chassé se voit cerné dans chaque lieu et refuse jusqu’au bout de confesser un aveu mensonger : être le commanditaire de cet assassinat par l’état major britannique. La scène d’interrogatoire entre Georges Sanders et Walter Pidgeon est d’ailleurs très révélatrice du regard que Lang pose sur le régime. Dans un noir et blanc très contrasté, le cinéaste met en scène un jeu d’ombres menaçantes et donne une place capitale au hors champ, rendant ainsi compte de la violence des pratiques nazies. Le film nous garde en haleine jusqu’au dernier plan avec tous les ingrédients du film noir, une pointe de comédie et une romance impossible et tragique. Un éloge au courage et à la liberté de penser.

RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE #J2

The shop around the corner d’Ernst Lubitsch (1940)

Cette année les Rencontres organisent une rétrospective de films hollywoodiens réalisés par des cinéastes européens aussi fameux et talenteux que Lubitsch, Michael Curtiz, Fritz Lang ou Douglas Sirk. Car quand on parle de cinéma hollywoodien, on semble oublier que bon nombre de techniciens étaient originaires d’Europe et ont émigré vers le continent américain, en particulier avec la montée du nazisme dans les années 30.

Tourné en 1940, The shop around the corner met en scène James Stewart et Margaret Sullavan employés d’un magasin à Budapest comme il n’en existe sûrement plus dans ce bas monde. Vous savez, le genre de magasin familial où le patron, bien qu’à sa place de patron, s’inquiète de la santé des parents de sa comptable.
Alfred Kralik est le plus ancien employé du magasin et se voit obligé de supporter Klara, fraîchement embauchée et qui n’arrête pas de le contredire. Pourtant Alfred va réaliser que la femme avec qui il échange secrètement des lettres n’est autre que sa rivale.
Derrière cette histoire simple et ce portrait quotidien d’un magasin sur fond menaçant de chômage, se cache un véritable chef d’œuvre de la comédie romantique qu’aucun remake n’est parvenu à égaler. Plusieurs raisons à cela : d’abord « to be or not to be Lubitsch », telle est la question car ce cinéaste utilise l’espace avec une virtuosité légendaire. Ensuite il y a James Stewart dans un rôle qui oscille entre l’assurance et la timidité et qui fait de son personnage un homme aussi charmant qu’attachant. Enfin la peinture sociale en arrière plan pourrait inspirer bien des films ayant pour thème la crise, comme ce film dans lequel nous jouons tous en ce moment. Enfin encore, la magnifique scène finale que nous ne dévoilerons pas ici, mais qui reste un sommet du genre. Et dire que ma fille a préféré rester au chaud à la maison plutôt que de me suivre…


Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian (2011)

Tout commence comme un bon vieux cru de Guédiguian : un port de pêche, une usine, une réunion de syndicalistes et quelques malheureux tirés au sort pour être licenciés. Mais malgré ce contexte économique, ce qui prédomine c’est l’amour. L’amour et l’amitié. Michel et Marie-Claire fêtent leur trente ans de vie commune auprès de tous leurs amis et se voient offrir un voyage. On se croirait presque dans un film de Cassavetes tant on est heureux de retrouver la clique (Gérard Meylan, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin) et de sentir tous ces beaux moments d’amour entre les personnages. Pourtant tout va voler en morceaux quand Michel et Marie-Claire se font ligoter et dérober l’argent de leur voyage. Bientôt Michel découvre et dénonce l’un des coupables qui n’est autre qu’un ancien collègue lui aussi licencié, élevant seul ses deux petits frères. Le film interroge alors sur la responsabilité des uns et la culpabilité des autres, remet en question des personnages à priori irréprochables pour finalement ne laisser prédominer que l’essentiel : la bonté, la vraie, pas celle pétrie de bons sentiments, non, celle choisie parce qu’instinctive. L’un des meilleurs Guédiguian.

Les Rencontres des cinémas d’Europe : J 1

Ça y est le moment tant attendu des Rencontres des cinémas d’Europe vient de sonner. Et oui il faut dire qu’au cœur de cet automne, le notre (de cœur) devient plus que morose. Alors quoi de mieux que de se retrouver autour d’un bon film, de débattre, de manger un morceau aux différentes tables albenassiennes et de guetter les cinéastes invités, leur poser des questions pour les Carnets de rencontres et les regarder dans le blanc des yeux quand ce n’est pas à nous de les interviewer (ah Benoit Jacquot… too bad, next time that’ll be me !).

Pour le premier jour, les Rencontres nous gâtent avec une rétrospective du cinéma hollywoodien made by des Européens et je vous quitte pour aller revoir l’excellent The shop around the corner d’Ernst Lubitsch, comédie romantique avec James Stewart et Margaret Sullavan. Quand je pense que je suis en train de me battre avec mes enfants pour les inciter à me suivre….

MOI GEEK ?

Plus d’une semaine qu’il avait disparu. Et le voilà enfin revenu au bercail. Quel soulagement ! Non il ne s’agit pas d’un homme ou d’un chat qui aurait décampé, mais bel et bien de mon ordinateur.  Je sais, vous allez trouver que c’est assez triste de réagir ainsi, mais je l’avoue : il m’a manqué ! Et que celui ou celle à qui cela est arrivé et qui a réagi différemment me jette la pierre !
Pourtant mon informaticienne me l’avait bien dit « c’est comme une voiture, quand ça marche on n’y pense pas, mais quand ça plante, ça ne pardonne pas ». Et surtout ça ne prévient pas. Boum, black out d’un coup. Et évidemment on n’a rien sauvegardé parce que on se dit que ça n’arrivera pas. C’est là où je me rends compte que justement je suis très loin d’être une geek.
Les premiers jours, j’étais démunie. Ecrire à nouveau sur un cahier ? Effectivement ça marche aussi (sauf pour les mails, ou alors faut mettre un timbre !). Regarder un film ? Forcément quand on choisit de ne pas avoir la télé, l’ordinateur occupe de nouvelles fonctions. Et bien finalement, je me suis remise à lire, à flâner, à travailler sur ma terrasse et avec le retour des beaux jours, c’est pas mal non plus. Donc finalement de quoi se plaint le peuple ? En plus mon ordinateur est comme neuf.

SE RENCONTRER ENFIN

La e-coopérative, c’est sympa, mais se voir pour de vrai c’est encore mieux. Voici chose faite avec les 2èmes Rencontres du tourisme qui se déroulent aujourd’hui à Aubenas. L’objectif était de confronter les acteurs du tourisme et du développement local pour leur permettre de se rencontrer, d’échanger et pourquoi pas, d’innover ensemble. Eclectic était présent en tant que e-coopérative tournée vers les métiers du web et de la communication et j’ai enfin pu mettre un visage sur mes « co-entrepreneurs ». Et même si le public n’était pas au rendez-vous, les petits acteurs  locaux que nous sommes étions contents de se rencontrer, de rediscuter de nos complémentarités et de se redonner un peu d’entrain dans une période politiquement et économiquement sombre (enfin là je ne parle peut être que de mon point de vue !). Comme quoi, les rapports humains restent essentiels même à l’heure des hautes technologies. Ouf , tant mieux !