Ce soir, Arte rend hommage à Cary Grant avec la diffusion de la délicieuse comédie policière de Stanley Donen, CHARADE, suivie du très bon documentaire de Mark Kidel Becoming Cary Grant projeté à Cannes Classics.
L’histoire : Regina Lampert (Audrey Hepburn) passe ses vacances à Megève avec sa sœur et son neveu, bien décidée à divorcer de son mari. Elle y fait la rencontre de Peter Joshua (Cary Grant) et tombe sous son charme. A son retour à Paris, elle retrouve son appartement entièrement vide et apprend que son mari a été assassiné. D’après la police, il aurait dérobé un butin avec l’aide de quatre complices bien décidés à mettre la main dessus. Reggie qui ne connait rien de ce passé va devoir mener l’enquête, aidée de Peter, pour résoudre cette énigme. Mais elle découvre rapidement que Peter lui cache sa vraie identité.
Stanley Donen, réalisateur de Chantons sous la pluie, Un jour à New York, Indiscret et Drôle de frimousse réunit pour la première fois à l’écran deux figures emblématiques d’Hollywood : Monsieur Cary Grant et Mademoiselle Audrey Hepburn. Ce n’était pourtant pas gagné, Billy Wilder lui-même avait déjà essayé de les réunir pour Love in the afternoon (Ariane en français) en 1957, mais c’est finalement Gary Cooper, dans l’un de ses derniers films, qui hérita du rôle face à la jeune Audrey Hepburn – Cary Grant se jugeant trop âgé pour jouer l’amant de la jeune femme. Sept ans après, il accepte pourtant d’interpréter Peter-Brian-Alexander Joshua dans une comédie jubilatoire où il se laisse séduire par une veuve très obstinée.
– Vous savez ce qui ne va pas chez vous ? – Non – Rien !
Entièrement filmé à Paris, CHARADE est truffé de références cinématographiques mêlant la comédie, le film d’espionnage et la romance. Entre chassés croisés et faux semblants, CHARADE s’appuie avant tout sur son duo d’acteurs. L’une des grandes réussites du film est d’avoir inversé les rôles dans le jeu de séduction. C’est donc Audrey Hepburn qui court après le mystérieux et potentiellement dangereux Cary Grant. Les dialogues sont réjouissants, Cary Grant ne cessant de la dissuader en pointant leur différence d’âge et Audrey Hepburn redoublant de grâce et d’impertinence. Un film absolument irrésistible et immanquable.
De l’amour, de l’aventure, de la poésie et plein de bêbêtes… Bienvenue à Guyaneige, la première station de ski en pleine jungle ! Après l’excellent La fille du 14 juillet, Antonin Peretjatko revisite le film d’aventure en embarquant à nouveau le duo Vincent Macaigne-Vimala Pons au fin fond de la Guyane dans une comédie humaine aussi hilarante que sensible.
Marc Châtaigne est un brave type. Il se défend à peine lorsqu’il est poursuivi chez lui par un huissier qui le confond avec un autre Châtaigne et qui casse tout chez lui. Lorsqu’il arrive en retard au Ministère de la norme, il se voit attribué la destination la moins plébiscitée : la Guyane. Son stage a pour but de collaborer à la relance du tourisme grâce à la création de la première station de ski. Absurde ? Oui mais pas plus que certaines constructions européennes destinées à faire rayonner la France sans prendre en compte la réalité d’un pays, comme ce pont qui relie le Brésil à la Guyane et qui n’a jamais servi. On l’aura compris, Peretjatko ne fait pas un cinéma naturaliste ! Nous sommes d’emblée plongés dans un univers burlesque et atemporel. Si les décors et les costumes sont volontairement vintage (cf. la photo de Mitterrand au Ministère), le reste de l’histoire semble appartenir à un futur proche où nous serions tous indéfiniment stagiaires, faute d’emplois. Lâchons donc là nos références et régalons-nous devant cette comédie d’aventures singulière entre la parodie et le burlesque, et qui est très certainement une jolie allégorie de nos mondes modernes.
Arrivés là-bas, Châtaigne est accueilli par un Mathieu Amalric halluciné qui lui explique pourquoi les normes européennes ne s’adaptent qu’à l’Europe et non au climat tropical (leur bureau pourtant aux normes HQE est tellement humide qu’ils sont obligés de ventiler non stop). La France est représentée sur tous les continents à travers ses territoires mais ne semble pas tenir compte des différences culturelles importantes. Tiens tiens, l’héritage colonial de la France serait-il donc bien ancré ?
On voit d’ailleurs le Ministre (génial Jean-Luc Bideau qu’on adore chez Alain Tanner) aller pavaner devant les investisseurs chinois, qataris ou suisses en vendant un projet absurde mais qu’il promet d’être rentable et de ne pas coûter cher (il suffit pour cela d’embaucher des stagiaires ou mieux de ne pas créer d’emplois ).
Une nouvelle allégorie de notre impérialisme dénué de bon sens !
Châtaigne part donc avec sa co-équipière Tarzan (exquise Vimala Pons, clope au bec et mini short) en repérage dans la jungle. D’aventures en aventures, ils se retrouvent perdus et tentent de survivre au milieu de cette forêt peu accueillante, pleine de boue, de crocodiles, de boa et d’insectes.
A l’instar des héros de screwball comedies, les deux protagonistes s’opposent et se chamaillent pour mieux se rapprocher. L’un est un célibataire endurci (séparé depuis 18 ans d’une femme dont il conserve toujours précieusement une mèche de cheveux) et naif quand l’autre est une femme forte, déterminée, une « dure à cuire » tout couteau dehors et prénommée Tarzan. Elle rappelle en cela les femmes hawksiennes et l’on ne peut s’empêcher de comparer par moment le duo Châtaigne-Tarzan à celui inoubliable Cary Grant-Katherine Hepburn dans L’impossible Monsieur Bébé. Il faut dire que le film repose énormément sur le rythme des dialogues (le film a été tourné en 22 images par seconde et le son est donc légèrement accéléré) et sur la gestuelle des acteurs qui offre un spectacle particulièrement réjouissant entre pirouettes, maladresses, bagarres et une inénarrable scène aphrodisiaque qu’on vous laisse découvrir.
Vimala Pons, qui par ailleurs vient du monde du cirque, avoue avoir adoré pouvoir jouer avec son corps. « Les films sont souvent des films de dialogues, avec le film d’Antonin, on a pu aller beaucoup plus loin. Vincent (Macaigne) est d’ailleurs aussi un acteur très physique ». Il y a du Keaton, du Marx Brothers et du Bébel dans La loi de la jungle. Antonin Peretjatko ne revendique pas de référence particulière mais concède qu’inconsciemment son film en évoque bien d’autres. A chacun d’y voir ses propres souvenirs de cinéma ! Vimala Tarzan avec son mégot au bord des lèvres et sa gouaille a en tout cas à mes yeux quelque chose à voir avec Susie la boiteuse.*
Tarzan finit par séduire Châtaigne au détour d’une branche où allongés tant bien que mal, Châtaigne compare la mèche de cheveux qu’il trimballe dans son Code de la norme avec ceux de Tarzan. Au-delà de l’aspect gaguesque, le film déborde de délicatesse et de poésie. Les animaux et autres insectes deviennent le miroir de notre monde, cruel certes mais qui répond à une seule loi : celle de la nature (biologique et humaine). Le serpent mange la souris, les lucioles se prennent pour des lanternes, les papillons virevoltent et les mygales se baladent sur le terrain de golf au même titre que les humains soulignant à nouveau l’absurdité d’un monde exporté en bloc et érigé en seul modèle.
Dans la Loi de la jungle, il y a aussi Pascal Légitimus, un huissier increvable, un stagiaire ingénieur en repérage pour un projet TGV, des mangeurs de têtes, une machine à écrire jaune, un fou de la gâchette et bien d’autres bestioles.
Au-delà du comique indéniable et des répliques bientôt cultes, La loi de la jungle rappelle que notre monde, aussi absurde soit-il, reste un terrain de jeu infiniment poétique. A y réfléchir, c’est déjà pas mal.
« Everyone wants to be Cary Grant. Even I want to be Cary Grant »
Dimanche c’était l’anniversaire de Cary Grant, du coup j’ai eu envie de faire un petit montage pour me donner une nouvelle occasion de revoir des morceaux choisis de sa filmographie. J’aime bien bricoler des vidéos comme d’autres aiment tricoter, assembler, dessiner, réparer.
Je me demande parfois pourquoi j’aime autant Cary Grant. J’ai essayé d’y répondre en 24 phrases à travers douze de ses films mais j’aurai pu trouver de nombreuses autres raisons et d’encore plus nombreux autres extraits. C’est le seul acteur qui me donne l’impression contradictoire de le voir pour la première fois à chaque apparition et de le reconnaitre immédiatement. Il incarne à lui tout seul la magie du cinéma. Rien que ça !