Makoto aime se faire ramener le soir en voiture en faisant du stop. Mais un soir, l’homme qui la ramène essaye d’abuser d’elle. Kiyoshi, étudiant gigolo et délinquant à ses heures, l’aide à se sortir de cette mauvaise passe et Makoto tombe amoureuse. Elle quitte son père et sa soeur ainée pour s’installer avec Kiyoshi qui pourtant n’est pas tendre avec elle. Il n’hésite pas lors d’une virée à la jeter à l’eau ni à la forcer à faire l’amour avec lui. Mais elle veut croire qu’il l’aime, maladroitement, violemment parce qu’il ne sait pas faire autrement. Ensemble, ils continuent de racketer des hommes riches en les menaçant de les dénoncer à la police après qu’ils ont fait des avances à Makoto. Ils vivent dans le minuscule appartement de Kiyoshi et bientôt Makoto tombe enceinte. Kiyoshi veut se débarasser du bébé et laisse Makoto désespérée, soumise à cet amour cruel. Sa soeur ainée Yuki a pourtant bien essayé de la prévenir ayant elle-même vécu une passion amoureuse destructrice qu’elle avait quittée pour un homme plus âgé, plus rassurant, et pourtant…
Film emblématique de la nouvelle vague japonaise et deuxième volet de la Trilogie de la jeunesse, Contes cruels de la jeunesse ne sortira en France qu’en 1986. Jugé subversif et malsain, le film est d’une modernité époustouflante tant sur le plan esthétique (gros plans décadrés, faux raccords, son décalé ou amplifié) que sur le plan narratif. Oshima peint un Japon en pleine recontruction et une jeunesse fougueuse, rebelle et désabusée. Ces contes ont de cruel ce constat social et politique d’une époque sans espoir. Même le père de Makoto est totalement démuni et ne se bat pas pour raisonner sa fille pourtant mineure. Dans une des plus belles scènes du film, Makoto vient de subir un avortement et alors qu’elle se réveille doucement avec Kiyoshi à ses côtés, la soeur de Makoto vient rendre visite à son ancien amant qui n’est autre que le médecin ayant pratiqué l’intervention. Ils parlent tous les deux en hors champ, la caméra est posée sur le visage de Kiyoshi et on les entend se remémorer leur amour et leur insouciance révolue. Yuki avoue qu’elle aimerait « être comme Makoto et retrouver sa jeunesse perdue ». Kioshi penché au-desssus de Makoto encore endormie, semblant lui répondre, dit : « A la différence de vous, nous n’avons pas de rêve ». Tout est dit. Ils sont prisonniers d’un temps suspendu, enfermés dans leur course statique sans horizon, étouffant dans la chaleur moite d’un été sans fin. Ne reste que la larme au coin de l’oeil de Makoto annonçant leur fin inéluctable.
Oshima qui réalisera plus tard le « scandaleux » L’empire des sens, n’a que 28 ans quand il filme cette fureur de vivre avec un érotisme et une violence déconcertante. Chef d’oeuvre à (re)découvrir d’urgence en salles.