AU BONHEUR DES OGRES

Difficile de raconter ce tsunami cinématographique que sont Les Ogres de Léa Fehner tant ils nous bousculent, nous remuent, nous émeuvent et nous avalent. Dans cette troupe de théâtre itinérant, tout est là sous le chapiteau, l’amour, les larmes, l’amitié, les rires, les blessures,  les mesquineries, les doutes, les peurs et même les solitudes errantes. Véritable tourbillon, caravanes derrière et marmaille devant, les Ogres sont formidablement vivants et nous avec.

Dès le premier plan Léa Fehner nous embarque en plein coeur du spectacle avec sa jolie troupe, suivant leurs gestes, leurs visages avec une caméra fluide qui les enveloppent, les caressent, les bousculent, les prolongent et les succèdent. Chacun de leurs mouvements est attrapé en plein vol, chacune de leur respiration nous étreint et nous transporte dans cette déambulation foutraque. Alors réalité documentaire ou fiction ? Telle n’est pas la question même si Léa Fehner filme sa famille, réelle troupe de théâtre, tout en y invitant quelques comédiens comme les formidables Marc Barbé, Adèle Haenel et Lola Dueñas. Ce qui nous touche ici ne relève pas tant d’un certain réalisme mais plutôt d’un grand cinéma capable de traduire cette comédie humaine, de capturer les émotions qui surgissent à la croisée de ce chapiteau, l’indicible derrière ce qui nous est donné à voir, la magie des improvisations. Il y a du Cassavetes et du Fellini dans Les Ogres.  Il y a surtout de la vie dans ce qu’elle a de plus intense, de plus dur et de plus beau.

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Ca crie, ça braille, ça s’embrasse et s’engueule, ça chante et ça danse, ça virevolte et ça vacille. Le chapiteau se monte et se démonte et la troupe se relève toujours, repart sur la route coûte que coûte. On ne choisit pas sa famille mais on se dit que Léa Fehner a bien de la chance d’avoir grandi dans une telle famille élargie. Car même si elle taille un peu un costard au roi son père, chaque personnage a tant de variations d’émotions et d’humanité en soi qu’on a envie de les rejoindre, d’être des leurs, de grandir à leurs côtés, de s’engueuler franchement et de jouer la comédie sans filet.

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Le reste découvrez-le par vous mêmes, la vie qui fuse, l’insoumission de François, les peurs de Lola, les gamins qui se cachent dans les gradins, la détresse de Déloyal, le sourire lumineux de Mona, la résignation de Marion, les parades d’avant spectacle, tout ça ne se raconte pas. Ca se vit.

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FELLINI EN 8 ET DEMI (LIGNES)

L’exposition Fellini organisée par le Festival de films de Gand vient tout juste de s’achever hier.
Retour en 8 lignes (et demi) sur cet évènement « sans titre ».

 

En entrant dans le très bel espace du Caermersklooster, un écran projette des images du maestro Fellini en plein travail. Pas de thème particulier ni de ligne directrice pour cette expo généraliste si ce n’est l’envie de reconstituer l’univers du maitre à travers ses dessins, les photos de tournage, des extraits de films et des affiches d’époque. On y retrouve ce qui a toujours nourri son oeuvre et son imaginaire : les dessins de ses rêves, les femmes qui l’ont hanté, la femme qui a partagé sa vie, son amour pour le cirque, les repas à l’italienne, la musique de Nino Rota et son double, Marcello Mastroianni. Cette exposition est davantage concue comme une balade sensorielle, que comme une réelle plongée dans sa filmographie. Nous survolons le pays de la Dolce vita, de Gelsomina et de la Saraginha telle la statue du Christ dans Huit et demi. Pas de quoi se plaindre du voyage !