Lundi soir en me rendant à l’avant première du dernier film de Woody Allen et en découvrant un parterre bien trop dense (Grrrrrr ces maudits abonnés à Télérama ou autres auditeurs de France Inter) pour que je puisse avoir « ma » place au troisième rang, j’optai pour l’alternative Asphalte de Samuel Benchetrit. Portraits sensibles au coeur d’une cité bétonnée entre légéreté, poésie, burlesque et tragiques solitudes. Une jolie surprise.
Monsieur Sternkowitz (Gustave Kervern), le jeune Charly (Jules Benchetrit), Jeanne Meyer (Isabelle Huppert) et Madame Hamida (Tassadit Mandi) ont en commun d’habiter le même immeuble insalubre d’une cité anonyme. Ils confondent leurs solitudes dans les cages d’escalier et les couloirs tristes d’un immeuble où même la vie semble en panne (et pas seulement l’ascenseur). Trois rencontres vont pourtant changer leur quotidien monotone et s’entremêler dans un récit souvent drôle, parfois émouvant et joliment décalé.
Pourtant le film démarre de façon poussive enchainant des plans fixes des personnages répétant les mêmes gestes qui ne laissait pas augurer du meilleur, surtout quand on connait la tendance au pastiche de Benchetrit. Asphalte démarre donc comme un film de Roy Anderson (qui personnellement m’ennuie profondément) jusqu’à ce qu’un astronaute (Michael Pitt) tombe du ciel pour atterrir dans la cuisine de Madame Hamida. Les trois histoires peuvent enfin se déployer et les personnages s’incarner.
On découvre alors un homme condamné à sortir de nuit dans son fauteuil roulant pour échapper à son interdiction d’ascenseur, un jeune garçon livré à lui-même et une femme bien trop heureuse de combler l’absence de son fils emprisonné. Le premier tombera amoureux d’une infirmière de nuit et lui fera croire qu’il est photographe reporter pour « international geographic ». Le second aidera sa voisine à accepter le temps qui passe pendant que Madame Hamida soignera son invité de marque comme son propre fils, avec amour et couscous. Cette dernière rencontre est aussi la plus belle parce qu’improbable, de ces rencontres qui ne se racontent pas, ne se dialoguent qu’avec le regard et le sourire et ouvrent sur un champ poétique de petits riens. Asphalte est un film fait de pas grand chose, et c’est déjà beaucoup.