APNEE, une comédie déjantée et insolente

Quand la troupe des Chiens de Navarre et leur metteur en scène Jean-Christophe Meurisse s’empare du cinéma, en résulte un film déjanté sur les tribulations d’un trouple dans une société absurdement normée. Une comédie burlesque qui titille nos zygomatiques.

Céline, Max et Thomas s’aiment (Céline Fuhrer, Thomas Scimeca, Maxence Tual). Ils veulent se marier pour sceller leur amour. Faire comme tout le monde en somme. Le problème c’est qu’un mariage à trois ça n’existe pas. Pas encore. Le maire finit par s’énerver devant leur insistance, « vous croyez qu’elle est bien ma vie, regardez la tête de mes enfants !“.
Ces trois personnages en quête de bonheur vivent en marge de la société, ne travaillent pas et galèrent à trouver de quoi se loger. Ils s’installent même en vitrine d’un magasin de sanitaire et refont le monde dans un bain devant le regard de tous les passants. Une scène plus tard, ils visitent un 18m2 à 1250€ par mois. “Y a tout à imaginer c’est sûr !“ leur dit l’agent immobilier.

Pourtant ce n’est pas faute d’essayer de se frayer un chemin, de raccrocher la norme. Ils vont même jusqu’à rencontrer un banquier pour réclamer un prêt afin d’ouvrir un parc d’attraction stakhanoviste à côté de Marne la Vallée. “La concurrence va être rude, non ?“. Ne leur reste alors que l’option hold-up. Leur road movie peut commencer et tous les trois partent à bord de leur quad direction la mer avant de poser leur camp dans une maison en ruine.

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Difficile de raconter Apnée dont le récit d’aventures n’est absolument pas linéaire. Cela ressemble davantage à une suite de tableaux qui amène le trio insoumis vers des situations de plus en plus absurdes. Plus ils tentent de vivre les standards de la société plus ils s’en éloignent malgré eux, soulignant habilement que l’absurdité n’est pas forcément là où on l’attend. Le film fourmille de répliques joliment cruelles sur le dysfonctionnement d’un certain ordre établi (et consenti) et peu à peu bascule vers une utopie poético-baroque.

Certaines scènes sont absolument hilarantes comme celle où Thomas, en session de formation chez Pole emploi, doit apprendre à bien se présenter lors d’un entretien d’embauche ou la scène du repas où les trois amants s’incrustent littéralement chez des gens pour simuler un repas de famille. Olivier Saladin et Claire Nadeau sont formidables et donnent lieu à un moment de comédie jubilatoire.

Tous les dialogues du film sont d’ailleurs le fruit d’une longue série d’improvisations qui a servi de matière à l’écriture du film. Jean-Christophe Meurisse cherche à travers l’improvisation à mieux capter le réel, la fragilité des êtres, ce qui les lie et les délie “pour de vrai“.

C’est peut être là l’une des explications des faiblesses du film qui s’est écrit au fur et à mesure et qui manque un peu de ciment entre les “sketches“. Du coup, on rit beaucoup mais on s’ennuie aussi parfois. On aimerait être embarqué dans cette folie douce, courir dans les rayons d’un supermarché et rencontrer une autruche, délivrer le Christ de sa croix et se mettre sur les genoux de Claire Nadeau mais on regrette d’avoir parfois le sentiment d’être laissé de côté dans ce désordre. A force de vouloir nous plonger en apnée, on finit par remonter un peu trop vite.

Date de sortie : 19 octobre 2016
Durée : 1h29
Distributeur : Shellac