The Velvet underground à la Philarmonie

Il y a des journées, des semaines, particulièrement chargées en émotions qui font que les expositions qu’on parcourt, les livres que l’on lit ou les films que l’on voit prennent une tout autre dimension. Peut être ce fut le cas samedi dernier devant cette magnifique exposition sur les Velvet underground à la Philarmonie. Peut être seulement car au-delà de cette très belle mise en lumière d’une époque et d’une génération, l’expo « New York extravaganza »* est formidablement bien conçue.

Pour raconter les Velvet underground, groupe désormais mythique mais qui n’eut pourtant qu’une brève existence (1965-1970), Christian Fevret et Carole Mirabello ont souhaité raconter New York à l’époque des Velvet. Car les Velvet c’est aussi la Factory de Warhol, la beat generation d’Allen Ginsberg, le cinéma underground de Jonas Mekas et Barbara Rubin, la blondeur de Nico et bien sûr Lou Reed disparu trop tôt en 2013.  La scénographie signée Matali Crasset est en cela assez réussie, nous offrant une balade sonore et visuelle riche et fluide.

I am waiting for my man

A l’entrée c’est le poème « America » d’Allen Ginsberg qui nous embarque d’emblée dans une Amérique refusant les standards consuméristes des années 60 et proposant une alternative subversive à la création. Pour accompagner le poème, Jonathan Caouette a réalisé des mash up, sorte de kaleidoscope d’une mémoire du cinéma évoquant les mots de Ginsberg. La suite du parcours c’est la rencontre décisive à New York entre John Cale et Lou Reed. La suite on la connait. Repérés par Andy Warhol, les Velvet underground vont intégrer l’avant gardiste Factory, Warhol va imposer Nico pour le fameux album à la banane avant d’être écartée du groupe. Ce sera ensuite au tour de John Cale et en 1970, après cinq ans et quatre albums, les Velvet se séparent.

banana_cover

C’est Bowie le premier qui réhabilitera l’image iconique de ce groupe aux tendances sombres et aux thématiques « sex, drug & rock’n roll ». On tremble encore en réécoutant Heroin

La plongée la plus fracassante de l’exposition se situe dans une maison-chapelle (aussi hypnotique qu’un aquarium) avec multi écrans, matelas à terre et des images d’archives de concert, de films expérimentaux, de photos qui se chevauchent au rythme lancinant des Velvet. Grand moment qui traduit bien cette émulation spontanée de cette époque, ces coups d’essai entre défonce et énergie créative, entre désir et hasard, entre extravagance et poésie. Ce moment-là est particulièrement magique, restez allongés, plongez dans ce temps-là comme dans une parenthèse existentielle et laissez-vous bercer par ces images loin de la vacuité contemporaine.

On découvrira aussi le « Christmas on Earth » de Barbara Rubin, superposition de deux films en 16mm d’une liberté et d’une créativité totales.

barbaraRubin
I’ll be your mirror

L’expo foisonne d’extraits sonores, d’images d’archives, de films sur les membres du groupe, d’installation de Jonas Mekas et s’achève par l’héritage des Velvet sur les artistes d’aujourd’hui, notamment avec les photos de Nan Goldin ou Antoine d’Agata.

Bel hommage donc, beau miroir aussi de ce groupe et de ce New york-là qui donne envie d’être « Sticking with Them » à tout jamais.

*Jusqu’au 21 août 2016

CE SENTIMENT DE L’ETE ou comment survivre à l’absence de l’autre

Sasha vit à Berlin avec son amoureux Lawrence. D’une minute à l’autre, tout bascule quand Sasha s’effondre dans un parc en plein coeur de l’été. Ce sentiment de l’été défile sur trois années entre Paris, Berlin et New York et capture le temps qui passe, la vie qui continue après un deuil.
Un film d’une douceur mélancolique et d’une beauté solaire saisissante.

La famille de Sasha réunie à Berlin après le drame s’affaire à organiser au mieux le rapatriement du corps de leur fille. C’est une famille soudée, belle, pleine d’amour. On est loin des portraits de famille conflictuelle entre mesquinerie, remords, coups bas, culpabilité ou désamour. Ils pourraient presque énerver tant ils sont bienveillance et douceur. Tout comme Zoé (Judith Chemla), la soeur de Sasha qui n’est que sourire. La vie doit continuer et Lawrence (Andres Danielsen Lie, toujours aussi formidablement juste et touchant) finit par quitter Berlin. Son errance semble suspendue à un temps estival qui se déplace d’une grande ville à une autre. L’été suivant, Lawrence le passe à Paris et retrouve Zoé. Entre eux l’attirance est certaine, ils se comprennent, se ressentent, ont en commun cette figure disparue qui les relie à jamais. Puis vient New York, cité solaire, où le temps d’une escale, Zoé retrouve Lawrence revenu vivre dans sa ville.

Ce sentiment de l’été nous emmène avant tout dans ce qu’il y a de plus essentiel laissant de côté les sentiments inutiles, parasites comme l’amertume ou la colère. La vie suit son cours inexorable et chacun doit continuer sa route en acceptant de laisser le temps alléger leur peine . Si les accents rohmériens sont perceptibles dans le film de Hers, on ne retrouve pas la verve chère à Rohmer. Ici la place est moins aux mots qu’aux fils invisibles qui nous relient les uns aux autres et nous permettent d’avancer. Il y a tant d’amour dans ce film que c’en est renversant. Derrière les mots de rien, les blagues d’une mère à son fils, les questionnements d’un ami « grilleur de steak » dans un restaurant, le regard troublé de Ida ou l’approbation de Zoé en plein concert, se cachent les émotions indicibles, celles qui nous tiennent debout. Lawrence erre d’une ville à l’autre, croit ne pas pouvoir y arriver. Il ne sait pas encore que depuis tout ce temps, il n’a jamais quitté la route. Celle vers la vie.