PRIMAIRE, une ode aux héros du quotidien : les profs

Hélène Angel revient après une longue absence avec un quatrième long métrage qui renoue avec le réalisme social de ses premiers films. Primaire est avant tout une ode aux éducateurs, aux passeurs et aux héros du quotidien.

Florence (Sara Forestier toujours aussi follement énergique et bouleversante) est une institutrice dévouée et élève seule son fils Denis, également élève de sa classe. Elle habite au sein de l’école dans les logements prévus pour le personnel tout comme le directeur (Patrick d’Assumçao) qui n’est autre que son voisin. Autant dire qu’elle vit, respire, pense l’école toute la journée. C’est d’ailleurs ce que lui reproche son fils qui ne rêve que d’une chose, rejoindre son père en Indonésie. Quand elle découvre la situation difficile de Sacha, un des élèves de sa collègue, elle s’investit entièrement pour tenter de trouver des solutions et face à l’hostilité de tous, finit par se perdre elle-même.

Les premiers plans du film montrent Florence en train d’apprendre à lire à une élève en soutien. La fillette se sent nulle mais Florence ne lâche rien, continue, persévère, persuadée que cette dernière va y arriver. Car Florence croit en ses élèves par dessus tout. Les grands yeux ronds de Sara Forestier suffisent à eux-mêmes à dessiner son personnage volontaire, généreux et empathique.
Hélène Angel filme la classe avec un réalisme quasi documentaire qui est sûrement la plus grande force du film au-delà du scénario touchant. Avec son chef opérateur (Yves Angelo), ils ont décidé de tourner à deux caméras, l’une fixe, l’autre sur rail pour « aller chercher l’enfant » et permettre au tournage de se dérouler sans gêner le naturel sans pour autant opter pour un filmage à l’épaule. Hélène Angel parvient ainsi à nous raconter le parcours de Florence, véritable héroïne anonyme du quotidien, en nous plongeant dans la réalité d’un métier en manque de reconnaissance. Elle suit toutes les étapes, des conseils de classe, aux séances de cantine, en passant par les cours et les préparations de spectacle de fin d’année avec le désir de coller à une réalité méconnue (la réalisatrice a passé deux ans dans des classes pour mieux comprendre ce métier). C’est là que le film devient le plus beau, quand il rend hommage à l’investissement de toutes ces personnes dédiées une tâche aussi noble que complexe : élever nos enfants (vers le haut). Loin d’être des faire valoir, les seconds rôles (le directeur, l’assistante d’éducation de l’élève autiste, les collègues…) sont d’ailleurs particulièrement bien écrits.

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Mais Primaire n’est bien sûr pas un documentaire et l’histoire de Florence est aussi le fil conducteur de ce récit initiatique qui prouve que l’on continue d’apprendre sur soi à chaque âge de la vie. En tentant désespérément de sauver Sacha, Florence se retrouve face à ses propres démons. Elle ne tolère pas que les adultes baissent les bras et se déresponsabilisent en faisant appel à d’autres autorités (les services sociaux). Elle ne tolère pas non plus que la mère de Sacha, Christina, abandonne ainsi son enfant seul chez elle. Elle va jusqu’à la rencontrer dans la boutique de luxe où elle travaille pour la sermonner.  Echappant à tous les archétypes sociaux, Christina (Laure Calamy qu’on a connu plus maternelle dans Rester vertical d’Alain Guiraudie !) est avant tout une femme qui revendique d’être femme avant d’être mère quitte à abandonner son propre fils. L’inverse de Florence donc qui s’oublie un peu et dont le monde s’écroule d’un coup quand son fils s’oppose à elle avec virulence ou quand Mathieu, l’ex de la mère de Sacha (Vincent Elbaz en beau livreur de sushi), lui renvoie une image d’elle comme étant frustrée et incapable d’investir sa propre personne, hors des murs de l’école. Plus rien n’a dès lors de sens pour elle et c’est à ce moment-là qu’elle est inspectée. La scène est formidable, Sara Forestier se livre aux enfants avec une sincérité clouante au lieu de répondre aux attentes conventionnelles.

Hélène Angel nous délivre avec Primaire un très beau portrait de femme moderne confrontée aux problématiques d’éducation, de solitude, de réalisation de soi dans une société toujours plus exigeante et parfois excluante (comme le prouve cette scène où les collègues de l’école ironisent entre eux sur la nouvelle réforme pensée par des gens qui ne connaissent rien à la réalité du terrain, il suffit d’avoir été prof pour le comprendre…). Sara Forestier incarne Florence avec une énergie contagieuse et est merveilleuse en mère courage. Un très beau film pour démarrer cette nouvelle année sous le signe de l’espoir.

Sortie : 4 janvier 2017
Durée : 1h45
Distribution : Studio Canal

MES SEANCES DE LUTTE : Je t’aime moi non plus

Deux maisons de campagne voisines. Dans l’une, Sara Forestier venue disputer son piano en héritage suite au décès de son père. Dans l’autre, James Thierrée, avec qui jadis elle flirta un peu. Ils se retrouvent et se titillent, se chamaillent, se provoquent, s’attirent pour mieux se repousser, se désirent mais préfèrent se battre. Pour notre plus grand ennui.
Le combat dans la boue

Sara Forestier, cheveux filasses et seins qui pointent, est en colère dès le départ. Parce que son père n’a même pas eu la délicatesse de lui léguer la seule chose qu’elle voulait, son piano. En colère aussi contre son beau voisin avec qui elle a passé une nuit de sexe avortée il y a quelques mois. Elle lui reproche de ne pas avoir eu l’audace de la retenir dans son lit alors que pendant tout le film elle s’obstine à se refuser à lui. Commencent alors d’interminables séances de lutte physiques et verbales à la chorégraphie penchant parfois vers l’absurde et dénuée de tout érotisme. Ils se battent pour se prouver qu’ils n’ont pas envie de la même chose, ce qui est évidemment vain puisque clairement ces deux-là s’attirent. De quoi ont-ils peur ? De l’amour ? De souffrir ? De s’attacher ? De l’absence ? Ils se battent avant tout contre eux mêmes. Mais le théâtre de leurs séances devient un jeu risqué où le seul but est de se refuser à l’autre et leur lutte, loin d’être animale,  ressemble un jeu d’enfants qui tourne mal.

 Une de leurs positions improbables

Que veut nous montrer Jacques Doillon ? Un amour platonique comme seul exutoire d’un amour voué à l’échec ? Une lutte du corps et de l’esprit ? Une tendance masochiste trop longtemps étouffée ? Car c’est bien l’un des problèmes du film, que de mélanger les genres, entre dialogues rohmériens, kung fu amateur, scènes de non baise et parler cru. A force d’annihiler leurs sentiments (pour mieux les exacerber), Doillon annihile notre intérêt (qui lui ne se réveille pas). On se détache complètement des personnages et ce qui nous est donné à voir semble aussi dérisoire que ridicule. Ainsi quand lui l’enroule dans le tapis pour mieux la retenir, ou quand ils se reniflent dans un tas de sable près de la bétonnière ou encore quand ils s’enlacent dans des positions et des lieux improbables (formidable cunnilingus dans l’escalier), on a plutot envie de sourire que d’éprouver ce qu’ils vivent. Il faut attendre une heure avant qu’ils s’embrassent (pour mieux se gifler derrière) et vingt minutes de plus, avant qu’enfin elle lui donne le mode d’emploi pour « bien la baiser ». C’est la scène de l’affiche où ils décident de se rouler dans l’eau croupie, se couvrir de boue et lui de la sodomiser.  C’est aussi excitant que d’imaginer faire l’amour adossée à un cactus.

Les cages d’escalier et leurs possibles

Mes séances de lutte aurait pu s’appeler « Catch me if you can » (mais en moins drôle) et on aurait franchement aimé qu’il l’attrape la première fois pour nous éviter ça.  Jacques Doillon, grand cinéaste par ailleurs, nous avait habitués à mieux. Seul bon point du film, la présence du très beau James Thierrée, acteur trop rare au cinéma.