LARGUEES, un feel good movie à la française

Quand un trio mère-filles part sous le soleil panser ses plaies, cela donne LARGUées, une comédie printanière portée par trois actrices en fusion et quelques scènes réjouissantes. Le film s’essouffle hélas trop vite pour ouvrir sur une deuxième partie plus poussive et plus convenue. Dommage on se marrait bien.

Rose et Alice sont deux soeurs que tout sépare. L’une est un oiseau de nuit en santiags et mini-short, l’autre une mère de famille exemplaire un peu trop rigide.  Elles sont pourtant toutes les deux déterminées à sortir leur mère Françoise (Miou-Miou) de sa déprime suite à sa récente séparation d’avec leur père, parti pour une bien plus jeune, et s’envolent pour une parenthèse en club à La Réunion. Mais Françoise va se révéler une nouvelle femme plus vite qu’elles ne l’espéraient.

Eloïse Lang retrouve sa « connasse » fétiche (Camille Cottin découverte dans la série de Canal + et qu’on a retrouvé depuis dans Dix pour cent) et lui attribue une autre Camille dans le rôle de la soeur un peu coincée (Camille Chamoux). Entre elles les répliques fusent et le film démarre en trombe. Il faut dire que Rose a la langue bien pendue et son côté ado attardée en fait une “larguée“ de première catégorie. Sa soeur Alice, à force de vouloir tout contrôler, se perd aussi elle-même et ce voyage inaugure une remise en question du bonheur au féminin : peut-on être heureuse quand on n’a pas d’attache ni de relation amoureuse sincère (Rose), quand on est entièrement dévoué à sa famille quitte à mettre de côté ses propres désirs (Alice), quand notre jeunesse est derrière nous (Françoise) ? La réponse d’Eloïse Lang se situe du côté de la légèreté des sentiments induite par une trêve pas si idyllique mais qui a le mérite de les bousculer toutes les trois. Rose et Alice voulaient remettre leur mère sur pied. C’est aussi elles que ce voyage vient secouer.

Personne n’est simplement ce qu’il laisse paraitre. Ainsi Rose n’est pas aussi désabusée qu’elle le laisse croire. D’ailleurs elle qui se targue de ne pas vouloir d’enfant va tisser des liens forts avec le seul gamin du club en vacances avec son père lui aussi dépressif (le « Chien de Navarre » Thomas Scimeca, hilarant dans Apnée). Larguées dresse en cela un portrait de femmes au-delà de la comédie. Cela ne suffit malheureusement pas à sauver la deuxième partie et ses multiples rebondissements poussifs. Si en effet le trio fonctionne à merveille et donne lieu à des dialogues drôlatiques, on finit par se lasser d’un scénario qui accumule des situations n’évitant pas les clichés.

Car Larguées n’échappe pas à la caricature ni aux traits grossiers propres à la plupart des comédies françaises. Chaque acteur a son kit personnalisé venant souligner son rôle et pallier l’absence de psychologie des personnages. Rose est donc quelqu’un sans gêne, libre qui ne dort jamais et boit beaucoup quand sa soeur Alice, elle, s’inquiète à distance pour les poux présents dans l’école de ses enfants ou pour sa ligne. Idem pour les seconds rôles : Romain le gentil organisateur un peu lourdaud et qui ne sait pas nager ou Thierry (Johan Heldenbergh) le bellâtre quinquagénaire, dessinateur à ses heures perdues, derrière qui se cache une âme sensible. C’est d’autant plus regrettable que le début, fort bien rythmé, nous emporte véritablement et laissait croire qu’une comédie – à l’instar du travail de Bacri et Jaoui – peut aussi être fine.

Larguées est donc un “feel good movie“ à ne pas bouder, relevant malgré tout le niveau des comédies françaises les plus décevantes (et elles sont nombreuses !). Le film aurait pourtant gagné à ne pas s’égarer dans un scénario à rebondissements attendus pour se concentrer davantage sur le trio mère-filles et permettre aux personnages de s’incarner avec plus de sincérité.

 

APNEE, une comédie déjantée et insolente

Quand la troupe des Chiens de Navarre et leur metteur en scène Jean-Christophe Meurisse s’empare du cinéma, en résulte un film déjanté sur les tribulations d’un trouple dans une société absurdement normée. Une comédie burlesque qui titille nos zygomatiques.

Céline, Max et Thomas s’aiment (Céline Fuhrer, Thomas Scimeca, Maxence Tual). Ils veulent se marier pour sceller leur amour. Faire comme tout le monde en somme. Le problème c’est qu’un mariage à trois ça n’existe pas. Pas encore. Le maire finit par s’énerver devant leur insistance, « vous croyez qu’elle est bien ma vie, regardez la tête de mes enfants !“.
Ces trois personnages en quête de bonheur vivent en marge de la société, ne travaillent pas et galèrent à trouver de quoi se loger. Ils s’installent même en vitrine d’un magasin de sanitaire et refont le monde dans un bain devant le regard de tous les passants. Une scène plus tard, ils visitent un 18m2 à 1250€ par mois. “Y a tout à imaginer c’est sûr !“ leur dit l’agent immobilier.

Pourtant ce n’est pas faute d’essayer de se frayer un chemin, de raccrocher la norme. Ils vont même jusqu’à rencontrer un banquier pour réclamer un prêt afin d’ouvrir un parc d’attraction stakhanoviste à côté de Marne la Vallée. “La concurrence va être rude, non ?“. Ne leur reste alors que l’option hold-up. Leur road movie peut commencer et tous les trois partent à bord de leur quad direction la mer avant de poser leur camp dans une maison en ruine.

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Difficile de raconter Apnée dont le récit d’aventures n’est absolument pas linéaire. Cela ressemble davantage à une suite de tableaux qui amène le trio insoumis vers des situations de plus en plus absurdes. Plus ils tentent de vivre les standards de la société plus ils s’en éloignent malgré eux, soulignant habilement que l’absurdité n’est pas forcément là où on l’attend. Le film fourmille de répliques joliment cruelles sur le dysfonctionnement d’un certain ordre établi (et consenti) et peu à peu bascule vers une utopie poético-baroque.

Certaines scènes sont absolument hilarantes comme celle où Thomas, en session de formation chez Pole emploi, doit apprendre à bien se présenter lors d’un entretien d’embauche ou la scène du repas où les trois amants s’incrustent littéralement chez des gens pour simuler un repas de famille. Olivier Saladin et Claire Nadeau sont formidables et donnent lieu à un moment de comédie jubilatoire.

Tous les dialogues du film sont d’ailleurs le fruit d’une longue série d’improvisations qui a servi de matière à l’écriture du film. Jean-Christophe Meurisse cherche à travers l’improvisation à mieux capter le réel, la fragilité des êtres, ce qui les lie et les délie “pour de vrai“.

C’est peut être là l’une des explications des faiblesses du film qui s’est écrit au fur et à mesure et qui manque un peu de ciment entre les “sketches“. Du coup, on rit beaucoup mais on s’ennuie aussi parfois. On aimerait être embarqué dans cette folie douce, courir dans les rayons d’un supermarché et rencontrer une autruche, délivrer le Christ de sa croix et se mettre sur les genoux de Claire Nadeau mais on regrette d’avoir parfois le sentiment d’être laissé de côté dans ce désordre. A force de vouloir nous plonger en apnée, on finit par remonter un peu trop vite.

Date de sortie : 19 octobre 2016
Durée : 1h29
Distributeur : Shellac