UN AMOUR IMPOSSIBLE : une adaptation poussive

Une histoire d’amour glamour contrariée par une différence de milieu social, une fillette née de cette union et une tragédie irréversible, Un amour impossible dessine une fresque familiale emphatique et sans saveur.

Adapté du roman éponyme autobiographique de Christine Angot, Un amour impossible est l’histoire de Rachel, modeste employée à la Sécurité sociale, et Philippe, jeune bourgeois érudit, qui tombent amoureux un beau jour à Châteauroux. Nait une folle histoire d’amour entre eux et bientôt une petite fille, Chantal alias Christine Angot dont c’est la propre histoire. Nous sommes à la fin des années 50 et Rachel (Virginie Efira) est une jeune femme célibataire qui n’a eu qu’une histoire avec un homme « trop gentil » pour avoir envie de passer sa vie à ses côtés. Quand elle croise le regard de Philippe, le coup de foudre est immédiat. Il lui parle de littérature, de Nietzsche, de liberté, l’emmène voir Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l’échafaud. Philippe est traducteur pour l’OTAN et le plus souvent à Paris. Un jour elle lui écrit pour lui annoncer qu’elle est enceinte. Le silence de Philippe annonce la couleur : Rachel élèvera son enfant seule. « Si tu avais été riche, ca aurait été différent ». Pourtant Rachel ne semble pas lui en vouloir et continue d’être sa maitresse au gré de ses visites de plus en plus espacées. Elle ne lui demande rien, ni argent ni implication, seulement de reconnaitre leur fille, « née de père inconnu ». Il faudra attendre les 14 ans de Chantal-Christine pour qu’enfin il accepte. C’est aussi à cette époque que tout bascule et que la relation père-fille démarre enfin, mais dans sa pire version.

Christine Angot a souvent parlé de l’inceste dont elle a été victime. On ne l’ignore donc pas en découvrant ce film mais ce point de bascule amène le récit dans un imbroglio dont la réalisatrice ne semble pas savoir quoi faire. La petite Chantal a grandi entourée de l’amour d’une mère bienveillante et aimante jusqu’à son anéantissement par la faute d’un père jusque là absent. La bulle formée par le duo mère-fille explose et le film avec. Il ne faut pourtant pas attendre ce troisième acte pour se désintéresser de cette histoire à laquelle on ne croit plus, bien qu’elle repose sur des faits réels. L’émotion qui traverse les premiers plans en prologue s’évanouit très vite au profit d’un récit dont la cinéaste ne semble pas s’écarter assez pour se l’approprier. Ainsi parcourt-on ces décennies de vie en oscillant entre ennui et lassitude.

Catherine Corsini dans son désir de conférer à ce récit toute sa dimension romanesque n’évite pas les lourdeurs d’une reconstitution qui nous laisse à distance. Les personnages mal grimés passent ainsi de la vingtaine à la soixantaine avec moins de succès qu’Alex Lutz dans Guy. Côté casting, Virginie Efira s’en sort malgré tout plutôt bien dans ce rôle de mère courage. On ne peut en dire autant de Niels Schneider, qu’on aime beaucoup par ailleurs, mais peu convaincant à force de minauder et de froisser ses yeux à la Léotard, ni de la jeune Estelle Lescure chez qui tout sonne faux.

Le film en trois parties est accompagné par sa voix off, reprenant ainsi le rôle de la narratrice Angot. Et c’est bien inutile même si elle annonce le drame familial à suivre. Philippe parle de son histoire avec Rachel comme étant une histoire inévitable. Ce drame était-il lui aussi inévitable ? L’amour rend-il à ce point aveugle ? Combien peut-on se tromper sur les gens qu’on aime ? Autant de questions qu’on ne se pose même plus.

Figure médiatique de l’autofiction, Christine Angot divise autant qu’elle agace. Cette adaptation aura au moins le mérite de ressembler à son auteur et saura diviser sans conteste.

CAPRICE A TROIS

Avec Caprice, Emmanuel Mouret revient vers un cinéma bien à lui, entre vaudeville, mélancolie, amitié amoureuse et les possibles qui toujours titillent.

 

Clément est instituteur à Paris et ne semble pas être tellement acteur de sa vie. Les rencontres lui tombent sur le coin du nez comme à d’autres certaines apparitions ou présages. Les femmes s’adressent à lui naturellement, voyant en lui une forme de bienveillance, de douceur naive, de maladresse touchante  et de bonté naturelle.  Il fait naitre chez les femmes des sentiments qui le dépasse. Même quand il entame une relation digne d’un conte de fée avec Alicia, l’actrice de ses rêves, Clément ne semble pas croire à ce qu’il vit. La jeune Caprice (Anais Demoustier) croise par hasard son chemin à plusieurs reprises dans un Paris devenu tout petit et vient le déranger dans sa vie devenue parfaite, à l’image de sa femme célèbre et leur belle maison dans le 7ème arrondissement nouvellement investie. Car Caprice ne veut pas accepter qu’il ne l’aime pas comme elle l’aime. Alors elle revient vers lui au moindre prétexte, devient sa maitresse une nuit malgré lui, puis son infirmère quand il est plâtré. Elle en est presque agaçante, mais tout autant que lui qui ne sait jamais rien refuser à force de vouloir épargner tout le monde. Le film part alors dans une direction bien moins légère que le badinage auquel Mouret nous a habitué, il interroge sur l’incompatibilité du désir et de l’amour quand l’amour est porté aux nues, sur ce qu’on est capable de recevoir et de sacrifier, sur l’amour pur qui fait perdre la raison. Ce conte moral aux accents rohmériens (et oui, on ne peut s’empêcher à nouveau la comparaison tant elle est évidente), au delà de l’histoire (universelle) d’un homme entre deux femmes, devient un conte initiatique, celui d’un homme qui se réalise à travers l’amour de ces deux femmes. Et c’est bien là que le film nous touche car il s’agit aussi d’un homme entre deux âges, attiré par la jeunesse fougueuse de l’une et la rassurante sagesse de l’autre. Ce n’est que dans cet équilibre fragile que Clément trouvera son chemin et écrira sa pièce de théâtre, tel un funambule entre deux eaux.

On devine qu’Emmanuel Mouret s’est amusé en s’offrant ce rôle de séducteur irresistiblement passif à la manière d’un personnage burlesque qui se retrouve héros malgré lui.  Et on a envie de dire à tous les détracteurs de Mouret et de son jeu singulier, de se retourner du côté de la liberté, la sienne, parce qu’elle est bien jolie quand même.