Kristiania. Capitale de la Norvège. Nous sommes chez Edvard Munch dans les années 1880. Une femme allongée se redresse péniblement pour cracher du sang. La tuberculose sévit durement dans tout le pays. Les enfants de cette femme l’entourent et assistent impuissants à ce spectacle macabre. Le temps se répète indéfiniment à travers des images fragmentées, des sons qui se superposent, mêlant passé, présent de la narration, pensée, mémoire et simples faits. Les visages apparaissent, nous aperçoivent parfois et nous regardent, nous invitent. On les guette comme des espions, on observe leurs gestes, leurs silences. Munch peint sa famille, peint son angoisse, la mort qui les tourmente, les tensions qui les unit. Après sa mère, c’est au tour de Sofia de s’allonger, de se redresser péniblement, de cracher tout son sang. Il regarde vers le passé comme nous les regardons, avec un sentiment familier et nouveau à la fois. La distance s’efface, plus d’écran, juste un voile assez fin et une petite place pour nous dans le tableau. On est là, tout près, vivant une expérience unique de la vie de Munch.
Dans un café entouré de Hans Jaeger et des autres partisans de la Bohème de Kristiania, il croise le regard de Madame Heiberg. Les murmures se frôlent comme les corps et s’évanouissent. Il faut creuser plus profondément dans la toile, se libérer des détails, faire entrer la lumière. Ils se croisent, elle l’ignore. Il continue de la guetter, il revoit leurs corps enlacés, entend son rire, se plonge dans la matière pour se défaire de sa liberté à elle. Il est attablé dans la maison familiale, son père lui parle mais on n’entend que le bruit de leurs baisers.
Anéanti par l’incompréhension et la critique que suscite son tableau révolutionnaire « L’enfant malade » (considéré comme le premier tableau expressionniste dans l’histoire de l’art occidental), Munch quitte la Norvège pour la France.
Edvard Munch, la danse de la vie de Peter Watkins (1ère partie)